Document :
Pérenchies et son passé numéro 44
Intérieur
de l’église Saint-Léger de Pérenchies à la fin de la guerre 1914/1918.
Document
SPMC numéro 6 666
|
Commentaire :
« Nous
sommes à la fin de la première guerre mondiale. L’église est dévastée par les
tirs des Anglais, notre ville étant occupée par les troupes allemandes qui y
venaient quelques jours pour s’y reposer avant de retourner dans les tranchées vers
Houplines et Frelinghien.
Tout
le mobilier est détruit. On voit encore au loin l’autel et la chaire où le
prêtre faisait ses sermons. Tout ce mobilier sera refait dans les années 20.
Jules
POTTIER (1911-2001), l’auteur de la statue du Bon Pasteur (1983) et qui fut
aussi membre fondateur du Groupement des Arts avec Paul LAMBIN, me racontait
avant sa mort que, jeune homme en apprentissage, il avait participé à la
fabrication de ce mobilier d’église et à son installation dans l’église de
Pérenchies.
A
gauche, on voit une croix en bois. Est-ce la même qui existe
aujourd’hui dans le chœur ? Michel DOOGHE, curé de Pérenchies de 1969
à 1992, dans un guide de visite de l’église à destination des enfants,
expliquait que le bois était très ancien. Il m’avait dit aussi que la poutre
provenait d’une église détruite dans les Flandres.
Le
christ, alors en caillou (en argile), n’est plus le même. Un autre, en bois,
l’a remplacé ».
Un
texte peut accompagner cette photographie. Il a été écrit par un officier allemand
dont les ancêtres avaient été les seigneurs du lieu. Il se nomme Hans DUVINAGE.
Dans le livre où il raconte l’histoire de sa famille, il écrit :
« En 1914, la commune de Pérenchies, ville étape
du train Hazebrouck-Lille, dans le canton de Quesnoy sur Deûle, à six
kilomètres du Nord-Ouest de Lille avait 4 207 habitants, une église et une
école catholique.
Pendant la guerre, le prêtre de Pérenchies, Monsieur
Vancostenoble, m’écrivit de sa ville exile de Lille La Madeleine : « « …L’ancienne
église se trouvait pratiquement au centre de l’actuel cimetière. Le choeur
seulement a été conservé et transformé en un calvaire, mais il a été détruit il
y a environ vingt ans, juste avant mon arrivée à Pérenchies.
L’actuelle église gothique fut construite en 1868.
Elle possédait quelques tableaux sans grande valeur, entre autres deux de saint
Léger, le saint patron protecteur de la paroisse.
Je les gardais
dans la salle qui nous servait provisoirement d’église. Où sont-ils
maintenant ? Les troubles de la guerre m’ont empêché de les sauver. Je
possède ici une liste de biens appartenant à l’église de Pérenchies depuis 1818
mais ni œuvres d’art, ni objets portant des patronymes des membres des familles
de Pérenchies ou du Vinage n’y sont mentionnés.
Monseigneur Monnier, évêque de Lydda, a consacré
l’église le 28 mai 1872. Il n’avait pas de cathédrale et appelait notre église
sa petite basilique. Que reste-t-il de tout cela ? Rien. » ».
Le 28 décembre 1917, je voyageais depuis Swevezeele à
12 km au sud de Brugges vers Lille, via Courtrai. Le 30 décembre, muni de mon
masque à gaz, je passais la porte d’Ypres et marchais en direction de
Lambersart. Sur le chemin de Lompret, une voiture me doubla et m’invita, moi le
marcheur solitaire, à monter. C’était un officier d’artillerie en route pour
inspecter quatre pièces d’artillerie, stationnées à Lompret et laissées sous la
responsabilité d’un camarade plus jeune…
Le lieutenant Ploer et moi-même allâmes à Pérenchies,
située à un kilomètre au sud-ouest. Arbres et arbustes étaient couverts de
givre. Un messager à vélo passa. On observa un léger brouillard, précieux pour
nous car gênant pour les tirs. On entend les mitrailleuses du front tout proche.
Les maisons en briques rouges de Pérenchies sont criblées de balles. A gauche,
l’école détruite. « Entrée des élèves » est encore visible au-dessus
de la porte. Puis l’orphelinat couvert de lierre avec l’inscription
« Orphelin… ». Un peu plus loin à droite, un abri en béton dans une
bâtisse vide.
Non loin, une maison détruite par les obus, dans la
niche, une statuette de la Vierge Marie avec l’inscription « Notre Dame de
Lourdes, priez pour nous ».
La neige est maculée d’éclaboussures de terre fraîche,
« les impacts de tirs d’hier » dit mon compagnon.
L’église de Pérenchies est une ruine pittoresque. Au
carrefour, une sentinelle salue…
Je me séparais du Lieutenant Ploer près de l’église.
Je passais par la rue de Lille devant la sentinelle de garde du château
Villers.
Après la borne : 2,7km jusqu’à Pérenchies, le
château Lassus transformé en bureau d’état-major de Lompret...
Je regarde les rapports du Maire de Pérenchies
recensant les habitants blessés ou tués par les tirs d’artillerie puis les
rapports quotidiens de la troupe quant aux manœuvres d’artillerie de l’ennemi.
Je retournais à Lille via Lambersart.
Je suis de retour à Pérenchies le dimanche 14 août
1918.
Une profusion de fleurs et un enchevêtrement de lierre
allègent l’impression de ravage dans le château Agache.
J’entre dans l’église en passant près du clocher
effondré. Le toit et les murs sont plein d’impacts d’obus, l’autel est détruit,
les fenêtres et les vitraux sont cassés.
La chaire et un crucifix, sur le pilier opposé sont
intacts.
Sur le sol de la sacristie jonchée de débris, une
statuette de Marie et devant cette dernière, des lambeaux de tissu maculés de
sang.
Et tout autour le silence. Pas âme qui vive, seul le
vent chante sa complainte sur les gravats.
L’aspect de l’église et le cimetière laissent un
profond sentiment de désolation.
En route vers Quesnoy-sur-Deûle, je traverse un
Verlinghem désert.
En 1927, je suis de retour à Lille.
Dans la nouvelle et donc troisième église, je salue le
prêtre, M.Vancostenoble.
Le 22 août, je pris un train pour aller à Calais en
passant par Pérenchies, Armentières, Hazebrouck et Saint-Omer ».
Philippe
JOURDAN (27 avril 2020)
En cette
période de confinement que notre pays n’a jamais connue depuis des décennies en
dehors des guerres, nous avons pensé que notre association pouvait vous
présenter chaque jour un document extrait de notre fond documentaire composé de
plus de 8 000 photos.
Quand
l’occasion se présentera, un petit commentaire suivra la photographie. La page
sera publiée chaque jour à partir de 10H.
N’hésitez
pas à nous transmettre vos propres commentaires ou informations sur le sujet
présenté. Cela permettra de compléter nos connaissances sur Pérenchies et son
passé.
Philippe
JOURDAN, Président de « Si Pérenchies m’était contée … ». 20
mars 2020
Correction
et édition : Jean-Pierre COMPERE, administrateur
du Blog
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
message de formulaire