lundi 8 mai 2023

MARGUERITE-MARIE NUYTS. Toute une vie au service de Pérenchies… 2ème partie sur 4.

Entretien entre Marguerite-Marie NUYTS et Philippe JOURDAN en 2022.

Texte relu par Mlle NUYTS le 3 juin 2022.

 

Marguerite-Marie NUYTS en 2006.
Document SPMC.

 

Le 5 mai 1935, mon père participe aux élections municipales sur la liste d’Henri BOUCHERY, dans une liste d’Union Républicaine.

On y trouve aussi : Victor BEAUREPAIRE, Emile CAZIER, Henri COCQUEEL, Gaston COISNE, Victor DELMERRE, Maxime DESCAMPS, Paul DESPATURE, Géry DESRUMAUX, Eloi DEWAELE, Louis DUCROQUET, Louis DUTHOIT, Jules FAUQUEMBERGUE, René FRENOY, Henri GHESENS, Edmond LAMBELIN, Jules LAMBIN, Arthur POUILLE, Paul THIBAUT, Emile VROLANT, Paul CREPEL (Maraîcher), et Henri PLANQUE (Couvreur, administrateur de l’Union des Combattants).

Le bulletin de vote indique que mon père est Docteur et Vice-Président de l’Union des familles nombreuses.

Une autre liste de cette époque a été conservée. On ne sait pas s’il y en avait d’autres de déclarées.

Celle conservée est une Liste de Concentration Républicaine et de Défense Ouvrière. On y trouve : Robert DURIBREUX (menuisier, ancien combattant), Rémy BEUVET (entrepreneur, mutilé de guerre), Edouard BIGOT (employé de commerce, ancien combattant), Firmin BUSSON (commerçant), François CRETON (retraité des PTT, pensionné de guerre), Ferdinand DAUCHET (grand mutilé de guerre), Henri DEBRUYNE ( maçon, ancien combattant), Henri DELFORCE (artisan), Raphaël DESBONNET (commerçant), Fernand DUBOIS (cheminot, ancien combattant), Louis GELE (ouvrier plombier-zingueur), Lucien GOUY (chauffeur, ancien combattant), Gustave GRAVE (Tailleur, ancien combattant), Alfred GUERIN (Ouvrier plafonneur, ancien combattant), KESTELEYN (ouvrier serrurier), Charles LEMAI (ouvrier mécanicien, ancien combattant), Julien POUTRAIN (ouvrier des PTT), Jules QUINTREL (instituteur en retraite), Césaire THERY (ouvrier métallurgiste syndiqué, ancien combattant).

Les voix reçues ont été comptabilisées par quelqu’un. C’est Louis DUCROQUET qui a reçu le plus de voix (500) suivi d’Edmond LAMBELIN (499) puis de Jules LAMBIN (488), Maxime DESCAMPS (485), Henri BOUCHERY (481), Victor BEAUREPAIRE (479) et Julien NUYTS (478).

Le meilleur score de l’autre liste se monte à 390 voix pour la tête de liste, Robert DURIBREUX et 378 pour Rémy BEUVET.

La campagne a été assez difficile. On reproche à la majorité sortante d’être trop proche des industriels. La majorité répond en évoquant un esprit de haine et de basse politique.

Cet état d’esprit perdura durant de nombreuses élections. La droite et la gauche s’opposeront ainsi mais sauront se retrouver lors des moments de guerre.         

 

De 1935 à 1940, mon père sera maire de Pérenchies. Par la suite, il sera aussi Premier adjoint de Joseph POLET.

 

Réception en mairie de Pérenchies avec le maire Joseph POLET (1944 puis de 1947 à 1963).
Avant 1958. On aperçoit M. NUYTS.
 Document SPMC.


Après la mort de mon père, mon frère, Jean-Pierre, sera, durant un mandat, conseiller municipal.

 

J’ai encore en mémoire les grèves de 1936 ! Des ouvriers communistes de chez Agache défilaient en criant « A mort Nuyts ! ». Certains d’entre eux étaient les clients de mon père et je ne comprenais pas !

Comme maire, il rencontrait souvent Max DESCAMPS, membre de la famille AGACHE, et administrateur des usines de Pérenchies.

Durant la guerre 1939/1945, des ouvriers de chez Agache sont venus aider ma famille en creusant un abri dans le jardin. Un de nos amis l’appelait « La villa des Trouillards » ! Il y avait des bancs qui se transformaient en couchettes.

 

En 1939, des Anglais sont arrivés dans la commune, logeant chez les gens.

J’ai gardé des photos de plusieurs Anglais dans notre jardin. L’un était très ému car il avait une fille du même âge qu’une de mes sœurs.

 

Soldat anglais dans le jardin de la demeure de la famille NUYTS en 1940.
Document SPMC.

 

Après la guerre, nous garderons contact et il reviendra à la maison.

 

Un jour, les Anglais sont partis car les troupes allemandes approchaient.

La première guerre est encore dans la mémoire des habitants de Pérenchies. L’ennemi fait peur.

Beaucoup de gens partent et évacuent. Mon père ne veut pas quitter son poste de maire et de médecin et il décide de rester.

Mes grands-parents Sarazyn dans une voiture, ma mère dans une autre munie d’une remorque que l’on utilisait pour partir en vacances, et les 9 enfants prennent la direction de la Bretagne où vivait le frère de ma mère.

A cause d’un bombardement à Yaucourt-Bussus, à 10 kilomètres d’Abbeville, les deux voitures vont être séparées.

Durant les mitraillages, on se cachait sous une couverture ouatée pour oublier les avions et les tirs.

On ne peut pas contacter notre père resté dans le Nord. On n’a aucune nouvelle. Ma famille se réfugie alors dans un château abandonné par son propriétaire. Le concierge, toujours présent, nous propose de nous installer au 1er étage. On y restera un mois. J’ai encore le souvenir de cet espace qui me semblait tellement grand. On s’inquiète beaucoup pour nos grands-parents.

Un jour, on voit un homme arriver vers nous. On s’aperçoit alors que c’est notre grand-père. Il nous apprend que notre père nous recherche. Il n’a plus la volonté de rester éloigné de sa famille et il a demandé à la préfecture de quitter son poste et sa fonction de maire. Son premier adjoint, Louis DUCROQUET, qui n’avait pas d’enfants, fera alors fonction de maire et assumera les charges administratives. 

Mon père avait envoyé Léon De Grave à notre recherche et celui-ci avait retrouvé nos grands-parents dont la voiture ne fonctionnait plus.

La décision est prise d’abandonner la destination première et de rentrer à Pérenchies.

Nous avons alors connu l’occupation ennemie et les drames de la guerre.

Lors des alertes, on se cachait parfois dans le couloir de la maison. Notre voisine, Mme BAILLET, la postière, venait nous y rejoindre.

Je la revoie encore criant « : « Sainte-Vierge, priez pour nous ! » ou, lorsqu’on entendait le bruit d’une bombe : « Celle-là, elle va nous tuer ! »

 

Lors du bombardement de Lille-Délivrance, je me souviens du bruit fort des bombes qui explosaient.

Avec deux de mes sœurs, le dimanche suivant, nous nous sommes rendues à Lomme. On regrettera toujours d’y être allées car ce que nous y avons vu n’est pas imaginable. Des maisons détruites partout. Les rails du tramway projetés sur les 1ers étages.

 

Lors de la guerre, 2 filles de la famille FLODROPS seront tuées à Pérenchies. Elles se dénommaient Françoise et Geneviève. Par la suite, leur mère, après la naissance d’un fils, appellera deux autres de ses enfants Marie-Françoise et Marie-Geneviève, en souvenir d’elles.

 

J’ai vécu aussi le drame du soldat allemand tué dans le café du coin de la rue de la gare.


La rue de la gare. Années 20/30.
Document SPMC numéro 1 206.


Un dénommé LETAILLE avait tué ce soldat dans le café proche de notre habitation.

Le FFI arriva, blessé à la cuisse, chez nous. Il avait voulu saisir le fusil du soldat endormi et celui-ci, réveillé, avait tiré avant qu’il ne tire à son tour.

Du café à notre maison, il y avait des traces de sang.

Mon père a alors donné un de ses pantalons pour remplacer celui qui était souillé. Après avoir soigné Aurélien LETAILLE, mon père est parti dans le café. C’était la débâcle et les autres soldats allemands ne s’étaient aperçus de rien. Heureusement, car la population aurait subi des représailles.

  

La rue de Lille aux environs de la Seconde Guerre mondiale.
Document SPMC numéro 3 129.

 

Je ne sais pas ce qui s’est passé alors dans le café. Mon père n’a jamais évoqué devant nous ce moment dramatique. Certains ont dit que le soldat avait été tué sur le coup. D’autres qu’il vivait encore.

Je sais seulement qu’un dénommé Rémy BEUVET a transporté le corps caché dans une petite charrette qu’il utilisait pour sa profession de maçon.

Il habitait à quelques dizaines de mètres du café.

Au risque de sa vie, il est allé l’enterrer dans le cimetière communal évitant, sans aucun doute, un drame.

Je n’ai jamais cru que mon père ait pu abréger les souffrances du soldat allemand. Chrétien, très pratiquant, et médecin, il n’aurait pas pu commettre ce geste !

On ne saura jamais ce qui s’est vraiment passé en cette période trouble que nous avons vécue et subie.        


Le docteur NUYTS et son épouse.
Document SPMC.

 

Le Docteur NUYTS (1898-1958).
 Document SPMC.

 

Le 6 septembre 1944, notre ville a été libérée. Des militaires en convois ont traversé notre cité sous l’alégresse générale. Les enfants se faisaient photographier sur les chars et on avait sorti les drapeaux.  


Libération de Pérenchies. Septembre 1944.
 Document SPMC numéro 2531 Ter.

 

 

La libération de Pérenchies. La rue de Lille et le bureau de poste. 6 septembre 1944.
Document SPMC numéro 2 526. 

 

La libération de Pérenchies. Rue de Lille, à côté de la maison NUYTS. 6 septembre 1944.
Document SPMC numéro 3 810. 

 

Après la guerre, on a inauguré le calvaire qui fut érigé grâce à une souscription afin de remercier que la ville n’ait pas subi ce qu’elle avait connue lors de la Première Guerre mondiale.

Mon père étant le président de cette opération, nous avons eu la chance d’accueillir chez nous le Cardinal Liénart venu bénir le monument. De grosses tentures avaient été accrochées sur la façade et un écusson en bois y était fixé.

Une procession est passée devant notre maison avant de gagner le monument commémoratif en face de la maison de retraite Agache.

 

Le Docteur NUYTS et le Cardinal Liénart devant la maison familiale de la famille NUYTS,
 le 2 septembre 1945, le jour de l’inauguration du calvaire.
Document SPMC numéro 2 542.


Passage de la procession devant la maison du Docteur NUYTS, le 2 septembre 1945.
Document SPMC numéro 2 172.


Défilé, avenue du Kemmel avec les enfants NUYTS après la guerre 1939/1945.
Document SPMC.

 

Philippe JOURDAN, Président de SPMC.

Novembre 2022.

 

Correction et édition : Jean-Pierre COMPERE, administrateur du Blog.

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