Document :
Pérenchies et son passé numéro 50
Une
équipe des « Cœurs Vaillants » de Pérenchies. Années 40.
L’animateur
du milieu est Roger DUTRIEZ.
Document
SPMC numéro 4 207
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Commentaire :
« Nous sommes dans les
années 40. La paroisse organise des activités de loisirs pour les enfants.
C’est un mouvement d’église qui prépare les jeunes à mener au mieux leur vie
paroissiale.
Les filles et les garçons sont
séparés.
Des vicaires, des séminaristes,
des jeunes bénévoles encadrent les garçons sur le terrain du Patronage le long
de l’avenue du Kemmel. Par la suite, le terrain sera entouré de plaques en
ciment.
Nous avons ici un groupe de
jeunes « Cœurs Vaillants » encadrés par deux animateurs dont l’un est
Roger DUTRIEZ qui, plus tard, deviendra le maire de notre commune.
Tous portent un uniforme et le
béret muni d’un insigne.
Roger DUTRIEZ est né à
Pérenchies en 1926. Il est aujourd’hui décédé. Ce fut une personnalité de notre
ville. Durant sa jeunesse, il s’est occupé de la paroisse et des mouvements de
jeunes. En 2005, il nous avait raconté sa vie.
Dans un précédent article, on
avait évoqué » les années 50 et 60 et dans un autre, son enfance. Dans ses
souvenirs, il évoquait aussi le mouvement des Cœurs Vaillants qui l’avait tant
marqué.
Philippe
JOURDAN (27 avril 2020)
SOUVENIRS DE JEUNESSE DE ROGER
DUTRIEZ (avril 2005)
« J’ai commencé comme enfant de chœur dès l’âge de huit ans.
En 1939, à la déclaration de la guerre, j’avais 13 ans.
Le sacristain, organiste Elysée, a été mobilisé. Monsieur le Curé me
demanda si je voulais chanter les messes du matin.
Toutes les messes étaient chantées. Je le fis, accompagné à l’harmonium par
Mme Simone FOUQUET jusqu’au retour d’Elysée en 1942.
Le vicaire étant mobilisé, il fallait maintenir les
activités.
Au patronage, pendant les grandes vacances, il y avait
des étudiants et des jeunes séminaristes qui encadraient quelques 350 garçons
qui venaient régulièrement aux activités.
C’était alors le moment où j’arrêtais l’école pour
travailler avec mon père qui souhaitait que son fils apprenne le métier de
cordonnier pour continuer l’entreprise familiale. Il me permit d’aller tous les
jeudis au patronage m’occuper des petits (6–7 ans).
Ils étaient environ 80 à venir chaque jeudi. Sœur Elizabeth en prit la responsabilité et me demanda de l’aider. C’est comme cela
que je débutais comme animateur d’enfants et cela dura jusqu’à mon mariage.
Pendant seize années, on m’a connu comme dirigeant « Cœurs
Vaillants ».
C’était un mouvement national qui encadrait les
garçons de 6 à 14 ans. Nous dépendions de la fédération du diocèse de Lille.
Nous avions des réunions de formation régulièrement pour les responsables.
Notre devise : «A cœurs vaillants, rien
d’impossible» nous donnait énormément de volonté pour réaliser les activités
qui ont beaucoup marqué les jeunes de cette époque.
Des enfants, jeunes au départ, sont devenus des amis
pour toujours, Serge, André, Maurice pour ne citer que les plus proches.
Ensemble nous avons travaillé et réussi des activités dont je vais retracer
celles qui me sont restées en mémoire.
Le groupe des Cœurs Vaillants était divisé en trois
sous-groupes : les petits de 6/7 ans, les moyens de 8/11 ans et les grands
de plus de 11 ans. Vu le nombre d’années passées au service de ces jeunes, j’ai
eu successivement la responsabilité des trois groupes. Chaque groupe était
divisé en équipes qui comptaient 10 à 12 membres et chacune avec à sa tête un chef d’équipe.
Chacune portait le nom d’un saint ou d’une personne connue pour son courage et
son action (BAYARD par exemple). Chaque équipe avait sa couleur, chaque jeune
avait un foulard de la couleur de son équipe et chaque équipe avait un fanion.
Les jours de fête, tout le groupe défilait dans les
rues de la cité en ordre et en chantant des airs joyeux et entraînants. Ils
avaient toujours beaucoup de succès. Les activités étaient surtout des jeux de
groupe : le foot, le jeu de drapeaux, les jeux de pistes…
Il y avait aussi, surtout l’hiver, une séance de
projection pour terminer l’après-midi.
On regardait les aventures de Tintin et de Milou, en
films fixes ou en diapositives.
Pour ceux qui le voulaient, ils étaient nombreux, il y
avait des réunions de formation. On leur inculquait des principes de morale
chrétienne, de bonne camaraderie et de volonté de servir les autres. Après une
période, le jeune recevait, selon l’âge, une croix, verte, bleue ou rouge. Le
patro de cette époque était fait pour occuper les enfants pendant leur temps de
loisirs mais en même temps il leur donnait des possibilités de préparer leur
vie d’adulte.
Le 10 décembre 1946, j’étais appelé sous les drapeaux.
Après un séjour d’une dizaine de jours à la citadelle
de Lille pour le conseil de révision, des tests pour nous classer selon nos
possibilités et nos souhaits, on m’affecta dans le matériel.
C’était une compagnie qui dépendait de l’artillerie et
qui avait pour but d’entretenir le matériel, les véhicules particulièrement.
Après avoir pris la direction de Strasbourg, je me retrouve près de Constance
en Allemagne, pas très loin de la petite ville de Goodmadingen.
C’était un camp composé de bâtiments provisoires en
bois qui avaient hébergé des travailleurs pendant la guerre dans une usine qui
fabriquait du matériel agricole, les usines FARR. C’est là que je fis mes
classes jusqu’au 15 février 1947. C’était le moment le plus dur de la vie
militaire. Lever à 6 heures, toilette, petit déjeuner et exercice. N’étant pas
particulièrement sportif, je peinais beaucoup, surtout qu’il faisait très
froid. La température est descendue jusqu’à
-20°C et on faisait du sport en
petite tenue, en plein air.
Aussi quel bonheur quand on est parti rejoindre notre
compagnie à Villingen, en Forêt Noire. J’ai d’abord été affecté aux ateliers.
Nous devions nettoyer les moteurs des véhicules et déballer les pièces pour les
réparations. J’exécutais ce travail durant environ 1 mois, jusqu’au départ du
titulaire du poste de magasinier qui m’était destiné. Je logeais au magasin
dans une petite chambre située au second étage de la caserne.
Le magasin était très vaste. Il occupait toute la
surface du bâtiment qui faisait environ 50 mètres sur 10.
Il y avait là tout l’habillement et l’armement en
stock pour la compagnie. J’étais responsable avec pour aide un prisonnier de
guerre allemand (la fin de la guerre n’était pas très loin) avec qui je me suis
très bien entendu. Il logeait avec moi et nous prenions les repas ensemble. Il
parlait bien le français. Le hasard voulut qu’il soit aussi cordonnier !
Alors, on réparait aussi les chaussures des soldats de la compagnie.
J’avais des copains avec qui je sortais surtout le
dimanche.
Le dimanche matin, il y avait une messe à 11
Heures à l’église de la ville. Cette
messe était dite en français. Elle était célébrée par un aumônier militaire ou
par un prêtre allemand.
Un lundi matin, je travaillais à ranger les uniformes
quand un secrétaire vient me dire : « le lieutenant voudrait te voir
à son bureau ».
Je me demandais pourquoi cette convocation. Je me
présente donc au bureau et le lieutenant me demande : « Vous êtes
séminariste ? ».
Je ne comprends pas sa question. Il me répond que la
fille du capitaine qui s’occupe des enfants français à l’église m’avait remarqué
à la messe dimanche et que, si j’étais d’accord, elle souhaitait que je
rencontre l’aumônier militaire à la maison paroissiale le jeudi prochain à 10
heures.
J’acceptais bien sûr et je rencontrais l’Abbé et cette
demoiselle qui me demandent si j’acceptais d’être le parrain des jeunes
français qui suivent les cours de catéchisme et qui doivent être confirmés.
Heureux de cette proposition, j’accepte. C’est alors
que je fais la connaissance d’une bonne vingtaine de garçons, enfants de
militaires, de gendarmes et de fonctionnaires qui étaient en poste à Villingen.
Je les rencontre à la messe et à la sortie, nous faisons connaissance. Ils me
disent que le jeudi et le dimanche après-midi, ils s’ennuient.
Je leur propose de les réunir et d’organiser des
activités (genre patronage) si mes chefs m’autorisent. Parmi ces jeunes, il y
avait le fils de mon lieutenant qui m’appelant à son bureau me donne une
autorisation permanente de sortie.
C’est ainsi que dès cet instant et jusqu’à la fin de
mon service militaire, je m’occupais de ces jeunes garçons comme je le faisais
à Pérenchies. Chaque dimanche, j’étais invité à déjeuner chez l’un ou l’autre
de ces jeunes. Il m’arrivait aussi de passer la soirée quand les parents
devaient sortir. Cela dura jusqu’en décembre date à laquelle j’étais libéré de
mes obligations militaires.
La séparation a été difficile. Ils m’aimaient beaucoup
et j’ai gardé des contacts quelque temps avec quelques jeunes qui m’écrivaient
encore.
Dès mon retour à Pérenchies, je repris toutes les activités
auprès des jeunes du patronage le jeudi après-midi. J’étais heureux de
retrouver les garçons de Pérenchies et, eux, ils étaient heureux de me revoir.
Certains souhaitaient que l’on organise des activités
le dimanche après-midi. Pourquoi pas ! J’en parle au vicaire, l’Abbé
LESAFFRE qui me répond que je peux disposer de la salle du patronage
(actuellement la salle du restaurant scolaire rue du Nord) qui est libre le
dimanche.
Je propose alors des activités de salle : jeux de
société, cartes, monopoly, …
C’est le début d’une activité qui, au fil des ans,
prendra une grande ampleur et deviendra «le club du Général Leclerc», encore
présent dans la mémoire des jeunes de ce temps qui sont maintenant des grands-parents.
Sans aucune aide financière extérieure mais uniquement
avec les petits bénéficies sur la vente de bonbons et de limonade, nous
équipons progressivement la salle : tables de ping-pong, jeu de baby-foot.
Plus de 100 jeunes viennent passer leur après-midi du
dimanche.
Pour ceux qui aiment la lecture, il y a les albums de
TINTIN et autres livres pour les jeunes.
On organise des fêtes pour la St Nicolas, pour Noël,
des après-midi familiales auxquelles les parents sont invités. Le deuxième
dimanche de février c’est la grande fête du club, salle des fêtes rue Gambetta qui est trop petite pour
accueillir les parents et les familles.
Les jeunes participent aux activités bien au-delà de
leur enfance. Ils sont nombreux entre 16 et 18 ans.
Un jour, en préparant notre fête annuelle, on se rend
compte qu’il y a plusieurs musiciens
parmi nous. On lance l’idée d’un orchestre de jeunes et c’est ainsi qu’est né
«Le Clair Orchestre». Le nom de l’orchestre est choisi par rapport au nom du
club « Leclerc » et «le clair» car il fait partie du club.
Quel succès dès leur premier concert. Ils sont une
quinzaine de musiciens.
Leur premier chef, c’est Maurice. On ne peut s’arrêter
après un si bon départ, c’est parti et l’orchestre est une des activités du
club. Sa réputation dépasse les frontières de la commune. Il jouera dans les
environs, aux fêtes et kermesses et même à Cambrai et en Belgique.
Tous les membres du club sont des bénévoles, qu’ils
soient responsables, animateurs ou musiciens. Une excursion d’une journée en
septembre est proposée gracieusement à ce groupe et à tous ceux qui ont des
responsabilités, au bar par exemple, ainsi qu’aux dirigeants, pour les
remercier de leur action et de leur dévouement.
Un camp de jeunes fut aussi organisé quelques années
les quatre jours de la ducasse de juillet. Il se passait dans une ferme à Le Meillard
dans la Somme.
On partait le samedi et on rentrait le mardi. On
dormait sur la paille d’une grange. Je me souviens que l’on voyait des rats qui
se promenaient sur les poutres du bâtiment. Nous étions une vingtaine de
jeunes. On cuisinait nous-mêmes, on avait emporté ce qui était transportable et
on achetait sur place les produits de la ferme, le pain et la viande. Ces
jeunes préféraient ce type de loisirs plutôt que gaspiller leur argent sur les
manèges de la fête foraine.
Cette époque était idéale pour la vie locale. Je
m’explique : on vivait sur place dans sa ville, on avait tout pour vivre
heureux chez nous : travail, commerces, loisirs.
Il y avait deux cinémas à Pérenchies et le dimanche, on
allait à la séance de 20 Heures.
Pour les jeunes qui aimaient le sport, il y avait l’USP,
la Jeanne d’Arc pour les gymnastes, les chorales pour ceux qui aiment le chant,
l’harmonie et l’alliance pour les musiciens, la pêche pour les amateurs de
grand air. Pérenchies était la ville où l’on était bien, où l’on vivait bien.
Le dimanche, les jeunes étaient encore assez nombreux
à assister à la messe. En sortant de l’office, on parlait en groupes sur la
place.
Parfois cela se terminait dans les cafés en face.
C’est en 1956, alors que j’allais avoir trente ans,
que je mis fin à ma vie de célibataire en épousant une jeune fille de
Pérenchies le 3 septembre.
Une autre vie commençait : une vie d’époux, de papa, mais aussi, en couple
alors, une vie au service des autres, que ce soit au commerce, dans le monde
associatif ou dans le cadre municipal».
En cette
période de confinement que notre pays n’a jamais connue depuis des décennies en
dehors des guerres, nous avons pensé que notre association pouvait vous
présenter chaque jour un document extrait de notre fond documentaire composé de
plus de 8 000 photos.
Quand
l’occasion se présentera, un petit commentaire suivra la photographie. La page
sera publiée chaque jour à partir de 10H.
N’hésitez
pas à nous transmettre vos propres commentaires ou informations sur le sujet
présenté. Cela permettra de compléter nos connaissances sur Pérenchies et son
passé.
Philippe
JOURDAN, Président de « Si Pérenchies m’était contée … » 20 mars 2020
Correction
et édition : Jean-Pierre COMPERE, administrateur
du Blog