Document :
Pérenchies et son passé numéro 35
Commentaire :
« Nous
sommes à la sortie principale des Ets AGACHE avant 1914. On voit bien cette
sortie comme elle était avant la Première Guerre mondiale. Elle sera
entièrement détruite durant celle-ci et reconstruite d’une autre façon. Outre
les cartes postales qui en témoignent, vous pouvez encore en avoir une idée,
rue du Grand But, la rue du Général Leclerc, un peu avant le garage PEUGEOT.
L’ancienne ferme AGACHE existe toujours et, derrière l’abri bus, on devine
encore la même architecture avec des pylônes en ciment et ce genre de grille en
fer.
De
nombreuses personnes sortent de l’usine. Les femmes portent des chemisiers qui
semblent être très colorés, certains à pois blancs et d’autres avec de très
jolis motifs. Les cheveux sont attachés en chignons. Les hommes portent des
casquettes et des vestes sur des chemises assez simples. Certains fument une
cigarette. L’un a une pipe en bouche. Les ouvriers semblent très jeunes. A
cette époque, les familles étaient très nombreuses. Le travail des enfants et
des jeunes apportait un peu d’argent supplémentaire à la famille.
Alphonse
DAVID nous racontait qu’il avait commencé chez AGACHE à l’âge de 13 ans en
1934. Selon le code du travail de l’époque, l’enfant de 12 à 13 ans peut
travailler à condition d’avoir obtenu le certificat d’études et de présenter un
certificat d’aptitude physique délivré par un médecin.
Marcel
DEVOS, né en 1923, a commencé à 12 ans après le certificat d’études pour y
rester 46 ans.
Revenons
aux souvenirs d’Alphonse DAVID. Il raconte : de toutes les rues de la
ville, arrivait un défilé d’hommes et de femmes. C’était plus de 2 400
personnes qui, à pied ou en vélo, franchissaient le portail de l’usine.
Pour
ma première journée, on m’emmena à l’atelier, au dévidoir au sec. C’était un
très grand bâtiment où ne se trouvaient que des femmes, 80. Elles travaillaient
sur des dévidoirs ou des bobinoirs. Un véritable nuage de poussière volait dans
l’air propulsé par les moteurs des 50
métiers. Alors, les femmes portaient sur la tête un bonnet de toile blanc. Certaines
ont eu, par la suite, des maladies des poumons.
Dans
l’atelier du peignage, pour le travail du
chanvre, la direction payait un litre de lait aux ouvriers pour éviter
des problèmes de santé.
Au
départ, j’appris à imprimer des étiquettes. C’était moi aussi qui portait les
courriers entre les différents ateliers. Je croisais alors mes anciens
camarades d’école qui travaillaient soit au mouillé, soit au sec. Ils formaient
des équipes de dix jeunes ouvriers sous la responsabilité d’un chef d’équipe qui
utilisait un sifflet. Les plus jeunes retiraient les bobines remplies et les
remplaçaient par des vides. Il fallait faire très vite car le métier ne devait
pas s’arrêter trop longtemps.
Pour
ceux qui travaillaient à la filature au mouillé, c’était aussi difficile avec
l’eau, les vapeurs et l’humidité. Certains travaillaient en sabots ou pieds
nus. D’autres avaient un sac de chanvre comme un sac de pommes de terre, autour
de la taille pour se protéger des bacs
d’eau chaude dans lesquels passaient les mèches, des fibres de lin ou de
chanvre. C’était aussi très glissant et il y avait souvent des chutes.
Les
garçons pouvaient être démonteur, fileur, manœuvre ou homme de peine. Certains
montaient dans la hiérarchie de l’usine. Les filles, elles, étaient fileuses,
dévideuses, bobineuses ou pouvaient partir dans d’autres ateliers féminins.
Certains
partaient pour d’autres usines dans la région, à Armentières ou à Houplines.
D’autres essayaient aussi les services publics.
En
1944, on me proposa un poste d’employé de bureau. En 1981, âgé de 60 ans et,
après 47 années chez Agache, je terminai ma vie professionnelle.
Revenons
à notre photographie. L’un des ouvriers lève un pain et un autre une sorte de
botte de navets. Derrière l’entrée, on voit le concierge, portant une sorte
d’uniforme et une casquette, présent pour vérifier que la sortie se passe dans
le calme.
Sur
d’autres sorties d’usine, on remarque des gamelles et des bouteilles, sans
doute pour la pause du midi.
Une
de nos adhérentes a découvert un formidable registre de l’usine Agache qui
commence au début du vingtième siècle avec des règlements et une somme
d’informations importante. Nous n’avons pas encore eu le temps de le lire car
il comporte plus de 100 pages. Sans doute qu’il nous donnera, par la suite, des
tas d’informations sur la vie des ouvriers de chez Agache.
Vous
trouverez sur notre blog daté du 1er mai 2018 un article sur les
professions des Pérenchinois en 1896 réalisé grâce au travail de Thierry COISNE
qui a recopié tout le recensement.
Voici les professions qui se trouvaient sans doute exercées en l’usine
Agache :
Ajusteur
Bambrocheuse
(personne qui était chargée d'alimenter
les bobines des métiers à tisser)
Bobineuse
(ouvrière chargée de la machine à rouler
le fil de lin sur des bobines)
Cardeur
(ouvrier qui démêle les fibres textiles et
les peignes à l'aide d'une carde ; objet garni de pointes d'acier
recourbées)
Chauffeur
Classeur de lin
Cocher
(conducteur d'une voiture à cheval)
Comptable
Concierge
Contremaître
Contremaître de filature
Dévideur
(ouvrier qui déroule le fil d'un écheveau
pour le mettre en pelote)
Démonteur
(ouvrier qui récupère sur les métiers à
filer les bobines de fils destinées à la vente et qui les remplace par des
bobines vides)
Directeur de filature
Directeur de tissage
Emoucheteur
(ouvrier qui débarrasse les fibres
textiles de leurs impuretés)
Empercheur
(ouvrier qui est chargé du séchoir dans
les filatures de lin au mouillé)
Employé
Epeuleuse
(ouvrière qui place le fil dans une
épeule, une grosse canette sans axe central utilisée en tissage)
Eplucheur de fils
(ouvrier qui retire les impuretés
incrustées dans les tissus durant le tissage)
Etaleuse
Etirageuse
Ferblantier
Fileur
(ouvrier qui travaille sur des métiers à
filer qui réalisent des bobines de fils pour la vente. Il doit alimenter les
métiers en mèches [ensemble de fibres] placées derrière les machines dans des
grands pots. Il devait aussi réparer les fils cassés).
Filtier
(ouvrier qui retord le fil. Le retors
consiste à assembler plusieurs fils ensemble pour obtenir un fil plus épais et
plus solide).
Graisseur
(ouvrier qui graissait les rouages des
machines avec une burette d'huile)
Ingénieur
Journalier
(ouvrier agricole employé à la journée)
Lamier
(profession non trouvée)
Magasinier
Mécanicien
Mouleur en cuivre
Mousseteur
Nettoyeur
Ourdisseuse
(celle dont le métier est de préparer les
fils de la chaîne avant de les placer sur le métier à tisser)
Ouvrier de filature
Ouvrier de tissage
Paqueteur
(peut-être celui qui emballe, qui fait des
paquets?). Paqueteur de fils
Pareur
Peigneur
(Le peignage consiste à paralléliser les
fibres et à ne conserver que les plus longues, tout en retirant l'air contenu
entre les fibres. Le fil obtenu est lisse et brillant, solide mais moins doux).
Peigneur de lin
Peigneron
Perceur
Plieur
Prépareuse
Préposé rattacheuse
(ouvrière rattachant les fils cassés dans
le textile).
Soudeur
Surveillant de filature
Terigneur de lin (définition non trouvée)
Tisserand
Tisseur
(Celui qui tisse [entrecroiser des fils
pour former un tissu] sur un métier de tisser).
Tourneur en fer
Varouleur
(une des nombreuses professions du
textile)
Veilleur de nuit
Visiteuse en filature
(Le visiteur-contrôleur textile effectue
toute une série de contrôles, à différentes étapes de la production, afin de
valider la qualité et la conformité des éléments produits en fonction des
normes prescrites).
Dans
le recensement de 1896, «la rue Edouard Agache» porte le nom de «rue de
Prémesques».
Dans
ceux de 1906, 1911 et 1921, le nom est «Rue de la fabrique».
Le
nom actuel a sans doute été donné dans les années 20, peut-être vers 1928 pour
le centenaire des Ets Agache ».
Philippe
JOURDAN (11 avril 2020)
Correction
et édition : Jean-Pierre COMPERE, administrateur du Blog
En cette
période de confinement que notre pays n’a jamais connue depuis des décennies en
dehors des guerres, nous avons pensé que notre association pouvait vous
présenter chaque jour un document extrait de notre fond documentaire composé de
plus de 8 000 photos.
Quand
l’occasion se présentera, un petit commentaire suivra la photographie. La page
sera publiée chaque jour à partir de 10H.
N’hésitez
pas à nous transmettre vos propres commentaires ou informations sur le sujet
présenté. Cela permettra de compléter nos connaissances sur Pérenchies et son
passé.
Philippe
JOURDAN, Président de « Si Pérenchies m’était contée … » 20 mars 2020