Le jeudi soir, de 18H30 à 20H15, hors vacances scolaires, les membres actifs de l’association d’histoire locale « Si Pérenchies m’était contée… » se réunissent dans leur local dans la salle municipale Pierre BONTE du Complexe de l’Horloge, rue des platanes.
Ils y organisent les activités
programmées et partagent les découvertes sur le passé de Pérenchies et de ses
habitants ainsi que des informations culturelles et historiques.
Voici la troisième partie du
compte-rendu de notre réunion du 5 juin 2025.
Philippe JOURDAN, Président de
SPMC.
12 juin 2025.
Les Portugais de Pérenchies après la guerre 1914/1918.
Ce rapport daté de 1972 a été
retrouvé dans de nombreux documents sur les Ets Agache en notre possession. Il
n’avait pas été dépouillé. On n’en connait pas son rédacteur. Il a pu être
réalisé pour le service social de l’entreprise pérenchinoise. C’est un document
d’une autre période à replacer dans le contexte de l’époque et à ne pas
considérer avec notre pensée actuelle et notre regard d’aujourd’hui. (NDLR :
2 mots ont été modifiés dans la copie du document).
« Pérenchies, le 21 décembre
1972.
A Pérenchies, un habitant sur dix
est un étranger. C’est certainement une des villes de France où la densité
d’immigrants est la plus forte. L’origine de cette immigration est assez floue
et remonte à bien des années. Il semble qu’après la première guerre mondiale,
les besoins de main d’œuvre étaient supérieurs aux demandes d’emploi et tout
parait avoir commencé avec nos voisins belges qui, petit à petit, se sont
définitivement installés dans la commune.
Plus tard, on assista à un
recrutement de la part de certaines entreprises en Italie et ce fut l’arrivée
de cimentiers, maçons et ouvriers du bâtiment. A l’image des Belges, quelques
familles de travailleurs italiens se sont installées définitivement à Pérenchies
et ont même opté pour la nationalité française. A présent, il arrive de moins
en moins de travailleurs italiens en raison notamment des possibilités d’emploi
qu’ils trouvent dans leur pays.
En revanche, l’arrivée de
Portugais occupe une place prépondérante. Beaucoup de raisons à cette
immigration importante :
-
D’abord, une raison permanente. Le Portugal,
pays en voie de développement, a toujours fourni de gros contingents à
l’émigration.
-
La seconde raison concerne les répercussions de
la guerre d’Angola. Les jeunes Portugais quittent leur pays, de plus en plus
nombreux, dès l’âge de 17 à 18 ans, pour éviter l’envoi outre-mer, dans les
troupes de pacification.
-
Enfin, à ces deux sortes d’émigration, vient se
superposer une émigration politique non négligeable.
Les Français ne voient dans
l’émigration qu’une main d’œuvre d’appoint et manifestent à son endroit des
réflexes de défense collective. On ne peut contester l’existence d’un sentiment
général de méfiance vis-à-vis des étrangers, même s’il disparait assez vite à
leur contact. Il serait excessif de prétendre que l’accueil est, dans tous les
cas, défavorable. L’expérience prouve, au contraire, que la France est un pays
qui sait le mieux assimiler les immigrants, même s’il existe quand même
certaines insuffisances.
La méconnaissance de notre langue
reste à la base de toutes les difficultés administratives et autres. En effet,
beaucoup de Portugais ne savent ni lire ni écrire.
Il n’y a pas de consulat à Lille.
Il n’est qu’honoraire. On n’y comprend pas, ou très peu, le portugais et il n’y
a pas d’interprète officiellement attaché. En fait, le nouvel arrivant dépend
de tout un réseau de bonnes volontés et, parfois, de profiteurs.
Au travail, l’ouvrier portugais
apprend l’indispensable français de base. Mais l’épouse qui reste toute la
journée à la maison n’apprendra jamais notre langue. Et pourtant, c’est
indispensable. Ainsi, c’est parce qu’elle ne peut s’exprimer qu’elle hésite à
consulter un docteur pour un enfant malade. Si c’est vraiment nécessaire, il
faut que le mari ou un compatriote s’exprimant en français l’accompagne et
c’est bien souvent des heures de travail perdues. En attendant, la santé des
enfants s’en ressent dangereusement.
Les contacts avec l’extérieur
sont donc réduits au minimum. Les plus importants sont ceux que nouent à
l’école les jeunes Portugais avec leurs camarades français. Au fond, seuls les
enfants qui naîtront en France réussiront à s’intégrer parfaitement.
Ces hommes et ces femmes forment
une communauté à part qui ne désire pas ou ne peut pas s’intéresser tellement à
la vie de la commune. Même ceux qui, au fil des ans, ont réussi à parler notre
langue, demeurent pour la plupart attachés à leur passé. Ils hésitent même à
s’unir avec une Française.
Certains ont tenté de s’intégrer
à la vie communale en pratiquant leur sport favori, le football, à l’U. S. P.,
une société sportive. Ils ont abandonné. Par contre, ils ont formé une équipe
de football ne comprenant que des joueurs portugais. Cette équipe est engagée
dans le championnat de la Ligue du Nord, depuis deux saisons, et se comporte
très bien. Cet exemple a été suivi puisqu’à l’heure actuelle, 8 équipes
portugaises sont engagées dans les différents championnats de la région.
Peut-être un jour aurons-nous un championnat portugais dans le Nord ?
En matière d’enseignement des
langues pour travailleurs étrangers, une tentative avait été faite avec l’école
communale mais les cours de français, de caractère très scolaire, rebutent
généralement les étrangers de faible niveau. D’une manière générale, les
travailleurs étrangers ont très peu de chance d’acquérir ou d’améliorer leurs
connaissances professionnelles chez nous car, bien souvent, ils sont employés
la nuit, à des postes de manœuvres spécialisés comme cardeur ou fileur.
Néanmoins, quelques travailleurs étrangers ont accédé au poste de surveillant
après un certain temps de présence dans l’entreprise entre 12 et 14 mois.
A Pérenchies, les travailleurs
étrangers ne connaissent pas les conditions misérables de certains de leurs
compatriotes logés à Roubaix, Lille et Paris. L’entreprise assure aux
travailleurs seuls un logement convenable et moderne. Un groupe d’H. L. M. tout
entier est habité par des familles portugaises. Bien sûr, cette vie de groupe
se répercute aussi sur leur façon d’agir. Ils ont leur monde à eux et le reste
les laisse indifférents. A travail égal, le salaire de ces étrangers est égal.
Au dire même de certaines personnes, les étrangers, de par leur travail de
nuit, ont souvent de meilleurs salaires que les Français.
Pour le renouvellement de leur
carte de séjour, la municipalité de Pérenchies leur a facilité la tâche en
suppléant le commissariat de Lomme sous forme de permanences. D’une
manière générale, ces étrangers sont bien admis par la population
locale. »
Le personnel étranger de la
filature des Ets Agache de Pérenchies dans les années 70.
Nationalités |
1966 |
1967 |
1968 |
1969 |
1970 |
1971 |
1972 |
Algériens |
5 |
1 |
1 |
5 |
10 |
2 |
3 |
Allemands |
|
|
1 |
2 |
3 |
2 |
2 |
Belges |
44 |
36 |
32 |
28 |
28 |
19 |
14 |
Espagnols |
5 |
6 |
5 |
10 |
8 |
10 |
10 |
Hongrois |
1 |
|
|
|
|
|
|
Italiens |
50 |
41 |
42 |
52 |
44 |
41 |
41 |
Marocains |
4 |
5 |
3 |
10 |
8 |
11 |
6 |
Polonais |
21 |
18 |
16 |
14 |
13 |
11 |
7 |
Portugais |
39 |
44 |
58 |
93 |
148 |
189 |
163 |
Sénégalais |
1 |
|
|
|
|
|
|
Tunisiens |
|
|
|
|
|
1 |
1 |
Turques |
|
|
|
|
|
|
1 |
Ukrainiens |
1 |
1 |
|
|
1 |
1 |
1 |
TOTAL |
171 |
152 |
158 |
214 |
263 |
287 |
249 |
Personnel de la filature |
1 016 |
910 |
971 |
1 094 |
1 166 |
1 140 |
1 127 |
% d’étrangers |
16,83% |
16,70% |
16,27% |
19,56% |
22,55% |
25,17% |
22,09% |
HORS RAPPORT.
Documents ajoutés par Philippe
JOURDAN, président de l’association d’histoire locale de Pérenchies, suite à la
découverte de ce rapport.
![]() |
Football portugais. Dernier quart du 20ème siècle. |
![]() |
Le foyer portugais de Pérenchies. Dernier quart du XXème siècle. |
![]() |
Fête chez les Portugais de Pérenchies. Dernier quart du XXème siècle. |
![]() |
Le groupe de danse folklorique portugaise pérenchinoise. Dernier quart du XXème siècle. |
![]() |
Les Ets AGACHE de Pérenchies. Dernier quart du XXème siècle. |
![]() |
Les Ets AGACHE de Pérenchies. Dernier quart du XXème siècle. |
![]() |
Les appartements de la rue Henri BOUCHERY, à Pérenchies, H. L. M. citées dans le rapport comme abritant de nombreuses familles d’origine portugaise. Dernier quart du XXème siècle. |
Philippe JOURDAN
Président de SPMC
12 juin 2025.
Edition et mise en page :
Jean-Pierre COMPERE
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