vendredi 20 juin 2025

Nos réunions d’histoire locale. Jeudi 5 juin 2025. 3ème partie sur 3.

Le jeudi soir, de 18H30 à 20H15, hors vacances scolaires, les membres actifs de l’association d’histoire locale « Si Pérenchies m’était contée… » se réunissent dans leur local dans la salle municipale Pierre BONTE du Complexe de l’Horloge, rue des platanes.

Ils y organisent les activités programmées et partagent les découvertes sur le passé de Pérenchies et de ses habitants ainsi que des informations culturelles et historiques.

Voici la troisième partie du compte-rendu de notre réunion du 5 juin 2025.

 

Philippe JOURDAN, Président de SPMC.

12 juin 2025.

 


 

Les Portugais de Pérenchies après la guerre 1914/1918.

Ce rapport daté de 1972 a été retrouvé dans de nombreux documents sur les Ets Agache en notre possession. Il n’avait pas été dépouillé. On n’en connait pas son rédacteur. Il a pu être réalisé pour le service social de l’entreprise pérenchinoise. C’est un document d’une autre période à replacer dans le contexte de l’époque et à ne pas considérer avec notre pensée actuelle et notre regard d’aujourd’hui. (NDLR : 2 mots ont été modifiés dans la copie du document).   

« Pérenchies, le 21 décembre 1972.

A Pérenchies, un habitant sur dix est un étranger. C’est certainement une des villes de France où la densité d’immigrants est la plus forte. L’origine de cette immigration est assez floue et remonte à bien des années. Il semble qu’après la première guerre mondiale, les besoins de main d’œuvre étaient supérieurs aux demandes d’emploi et tout parait avoir commencé avec nos voisins belges qui, petit à petit, se sont définitivement installés dans la commune.

Plus tard, on assista à un recrutement de la part de certaines entreprises en Italie et ce fut l’arrivée de cimentiers, maçons et ouvriers du bâtiment. A l’image des Belges, quelques familles de travailleurs italiens se sont installées définitivement à Pérenchies et ont même opté pour la nationalité française. A présent, il arrive de moins en moins de travailleurs italiens en raison notamment des possibilités d’emploi qu’ils trouvent dans leur pays.

En revanche, l’arrivée de Portugais occupe une place prépondérante. Beaucoup de raisons à cette immigration importante :

-          D’abord, une raison permanente. Le Portugal, pays en voie de développement, a toujours fourni de gros contingents à l’émigration.

-          La seconde raison concerne les répercussions de la guerre d’Angola. Les jeunes Portugais quittent leur pays, de plus en plus nombreux, dès l’âge de 17 à 18 ans, pour éviter l’envoi outre-mer, dans les troupes de pacification.

-          Enfin, à ces deux sortes d’émigration, vient se superposer une émigration politique non négligeable.

Les Français ne voient dans l’émigration qu’une main d’œuvre d’appoint et manifestent à son endroit des réflexes de défense collective. On ne peut contester l’existence d’un sentiment général de méfiance vis-à-vis des étrangers, même s’il disparait assez vite à leur contact. Il serait excessif de prétendre que l’accueil est, dans tous les cas, défavorable. L’expérience prouve, au contraire, que la France est un pays qui sait le mieux assimiler les immigrants, même s’il existe quand même certaines insuffisances.

La méconnaissance de notre langue reste à la base de toutes les difficultés administratives et autres. En effet, beaucoup de Portugais ne savent ni lire ni écrire.

Il n’y a pas de consulat à Lille. Il n’est qu’honoraire. On n’y comprend pas, ou très peu, le portugais et il n’y a pas d’interprète officiellement attaché. En fait, le nouvel arrivant dépend de tout un réseau de bonnes volontés et, parfois, de profiteurs.

Au travail, l’ouvrier portugais apprend l’indispensable français de base. Mais l’épouse qui reste toute la journée à la maison n’apprendra jamais notre langue. Et pourtant, c’est indispensable. Ainsi, c’est parce qu’elle ne peut s’exprimer qu’elle hésite à consulter un docteur pour un enfant malade. Si c’est vraiment nécessaire, il faut que le mari ou un compatriote s’exprimant en français l’accompagne et c’est bien souvent des heures de travail perdues. En attendant, la santé des enfants s’en ressent dangereusement.

Les contacts avec l’extérieur sont donc réduits au minimum. Les plus importants sont ceux que nouent à l’école les jeunes Portugais avec leurs camarades français. Au fond, seuls les enfants qui naîtront en France réussiront à s’intégrer parfaitement.

Ces hommes et ces femmes forment une communauté à part qui ne désire pas ou ne peut pas s’intéresser tellement à la vie de la commune. Même ceux qui, au fil des ans, ont réussi à parler notre langue, demeurent pour la plupart attachés à leur passé. Ils hésitent même à s’unir avec une Française.

Certains ont tenté de s’intégrer à la vie communale en pratiquant leur sport favori, le football, à l’U. S. P., une société sportive. Ils ont abandonné. Par contre, ils ont formé une équipe de football ne comprenant que des joueurs portugais. Cette équipe est engagée dans le championnat de la Ligue du Nord, depuis deux saisons, et se comporte très bien. Cet exemple a été suivi puisqu’à l’heure actuelle, 8 équipes portugaises sont engagées dans les différents championnats de la région. Peut-être un jour aurons-nous un championnat portugais dans le Nord ?

En matière d’enseignement des langues pour travailleurs étrangers, une tentative avait été faite avec l’école communale mais les cours de français, de caractère très scolaire, rebutent généralement les étrangers de faible niveau. D’une manière générale, les travailleurs étrangers ont très peu de chance d’acquérir ou d’améliorer leurs connaissances professionnelles chez nous car, bien souvent, ils sont employés la nuit, à des postes de manœuvres spécialisés comme cardeur ou fileur. Néanmoins, quelques travailleurs étrangers ont accédé au poste de surveillant après un certain temps de présence dans l’entreprise entre 12 et 14 mois.

A Pérenchies, les travailleurs étrangers ne connaissent pas les conditions misérables de certains de leurs compatriotes logés à Roubaix, Lille et Paris. L’entreprise assure aux travailleurs seuls un logement convenable et moderne. Un groupe d’H. L. M. tout entier est habité par des familles portugaises. Bien sûr, cette vie de groupe se répercute aussi sur leur façon d’agir. Ils ont leur monde à eux et le reste les laisse indifférents. A travail égal, le salaire de ces étrangers est égal. Au dire même de certaines personnes, les étrangers, de par leur travail de nuit, ont souvent de meilleurs salaires que les Français.

Pour le renouvellement de leur carte de séjour, la municipalité de Pérenchies leur a facilité la tâche en suppléant le commissariat de Lomme sous forme de permanences. D’une manière générale, ces étrangers sont bien admis par la population locale. »

Le personnel étranger de la filature des Ets Agache de Pérenchies dans les années 70.

Nationalités

1966

1967

1968

1969

1970

1971

1972

Algériens

5

1

1

5

10

2

3

Allemands

 

 

1

2

3

2

2

Belges

44

36

32

28

28

19

14

Espagnols

5

6

5

10

8

10

10

Hongrois

1

 

 

 

 

 

 

Italiens

50

41

42

52

44

41

41

Marocains

4

5

3

10

8

11

6

Polonais

21

18

16

14

13

11

7

Portugais

39

44

58

93

148

189

163

Sénégalais

1

 

 

 

 

 

 

Tunisiens

 

 

 

 

 

1

1

Turques

 

 

 

 

 

 

1

Ukrainiens

1

1

 

 

1

1

1

TOTAL

171

152

158

214

263

287

249

Personnel de la filature

1 016

910

971

1 094

1 166

1 140

1 127

% d’étrangers

16,83%

16,70%

16,27%

19,56%

22,55%

25,17%

22,09%

 

HORS RAPPORT.

Documents ajoutés par Philippe JOURDAN, président de l’association d’histoire locale de Pérenchies, suite à la découverte de ce rapport. 

Football portugais.
Dernier quart du 20ème siècle.


Le foyer portugais de Pérenchies.
Dernier quart du XXème siècle.


Fête chez les Portugais de Pérenchies.
Dernier quart du XXème siècle.


Le groupe de danse folklorique portugaise pérenchinoise.
Dernier quart du XXème siècle.


Les Ets AGACHE de Pérenchies.
 Dernier quart du XXème siècle.


Les Ets AGACHE de Pérenchies.
Dernier quart du XXème siècle.

Les appartements de la rue Henri BOUCHERY, à Pérenchies, H. L. M. citées dans le rapport comme abritant de nombreuses familles d’origine portugaise.
 Dernier quart du XXème siècle.


Philippe JOURDAN

Président de SPMC

12 juin 2025. 

 

 Edition et mise en page : Jean-Pierre COMPERE

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