Souvenirs de Monsieur Jean PRUVOST recueillis le 4 février 2014
par Jean-Pierre COMPERE et Daniel BROHY, avec
une mise en forme de Philippe JOURDAN
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Jean Pruvost |
Fils unique, j'ai commencé mes études à Pérenchies durant la
seconde guerre mondiale.
Après deux ans, je les ai continuées à Armentières. J'ai passé
alors l'examen d'entrée à l'école professionnelle le 6 juin 1944. Nous étions 440 étudiants à nous y présenter car il n'y
avait que deux écoles en France.
En 1947, après avoir découvert tous les corps de métier, de la
menuiserie à l'électricité et de la forge à la fonderie, j'ai terminé mes
quatre années sans réussir malheureusement à devenir ingénieur car il fallait
une moyenne de 12. Par contre, pas de problème pour l'emploi. La fin des études
donnait automatiquement une place dans le secteur industriel.
J'avais alors 17 ans.
On me proposa une place de surveillant contremaître mais c'était
dans les Pyrénées!
Je n'avais vraiment pas envie de partir. Une place de
chronométreur devant se libérer à l'usine textile Agache de Pérenchies, je m'y
suis précipité et j'ai commencé à "faire des petits bâtons".
Mes 4 années d'études n'avaient servi à rien!
En travaillant, on peut néanmoins arriver à tout. En 1972, je
devenais cadre et je demeurais dans cette maison jusqu'en 1987!
J'ai eu beaucoup de chance. J'ai appris très vite le métier de
chronométreur.
Je n'aimais pas ce travail mais cela m'a servi beaucoup car je
voyais tous les gens travailler et je circulais dans toutes les salles.
Un jour, le directeur, Monsieur VERHASSELT, me chargea d'une
nouvelle fonction. Comme je connaissais bien l'usine et son fonctionnement, il
m'informa que dorénavant, je serai chargé de faire visiter les installations
lors de la venue de divers visiteurs et pas seulement dans l'usine de
Pérenchies.
Chaque jour, j'étais dans une usine différente.
A Pérenchies, au départ, il n'y avait qu'une filature mais, par la
suite, le groupe s'est agrandi : deux usines à la Madeleine, deux à Seclin, une
à Armentières et quelques autres beaucoup plus petites.
Quand on achetait du lin, il était teillé chez Van Robeys à
Quesnoy. Il arrivait alors à l'usine et en ressortait complètement
confectionné.
Cela correspondait à 600 tonnes par mois, d'où les nombreux
sites.
Mon grand-père devait être un des ouvriers de France qui a
travaillé le plus longtemps dans une entreprise.
En effet, il avait commencé à l'âge de 11 ans. Il a terminé, après
63 ans de vie professionnelle chez Agache, à l'âge de 74 ans au poste de
contremaître chef du peignage.
Il ne voulait pas partir mais le directeur de l'usine, Monsieur
BARBIER l'a appelé dans son bureau et lui a déclaré : "Jules, la loi des
65 ans est arrivée et vous êtes obligé de prendre votre retraite!"
Mon grand-père lui répondit :"Ne dites pas que vous osez me
mettre dehors!". Deux ans plus tard, après cette retraite forcée, il quittait
cette terre n'ayant jamais admis cette fin d'activité qu'il jugeait comme un
rejet.