Le
10 février 2015, à 93 ans, Alphonse DAVID est décédé à Lomme.
Ses
funérailles ont eu lieu à Pérenchies en l’église Saint-Léger de la paroisse
Notre-Dame des Sources le vendredi 13 février 2015.
Son
corps fut ensuite conduit au crématorium d’Herlies afin d’y être incinéré.
Ses
cendres reposent désormais dans le cimetière de Pérenchies, petite ville du
Nord qu’il a tant aimée.
Alphonse
était né à Quesnoy-sur-Dêule en 1922.
Photo SPMC numéro 2799.
1932. Communion d'Alphonse DAVID.
A
13 ans, il entre aux Etablissements Agache de Pérenchies en qualité d’ouvrier
d’usine. Il y terminera sa carrière en tant qu’employé de bureau.
Photo SPMC numéro 1233. La
mairie de Pérenchies vers les années 30.
Photo SPMC numéro 1244.
Sortie de l'usine Agache entre 1940 et 1955.
Toute
sa vie, il militera comme syndicaliste d’abord à la CFTC puis à la CFDT.
Photo SPMC numéro 580. Les
grèves de 1936. Défilé rue Agache.
Photo SPMC numéro 582. Les
grèves de 1936.
Arrivée de la manifestation
des ouvriers sur la Grand'Place de Pérenchies.
A gauche, avec le béret,
Alphonse DAVID.
Alphonse
DAVID participera au patronage organisé par la paroisse. Il sera animateur et
prendra part à la Colonie du Mont des Cats où les enfants séjournaient
régulièrement durant l'été.
Photo SPMC numéro 2038.
Colonie du Mont des Cats. Début des années 40.
Photo SPMC numéro 2000.
1939/1942. Colonie du Mont des Cats.
Photo SPMC numéro 2001.
Colonie du Mont des Cats.
Photo SPMC numéro 2003.
Colonie du Mont des Cats en 1942.
A
26 ans, en 1947, Alphonse devient conseiller municipal à Pérenchies où il
siègera jusqu’en 1992. Il y occupera divers postes dont ceux d'adjoint délégué aux
fêtes et premier adjoint au Maire.
Photo SPMC numéro 1290. La
Grand'Place de Pérenchies vers 1960.
Photo SPMC numéro 1304.
Années 60/70. La mairie de Pérenchies.
Photo SPMC numéro 3146.
1965. Election de M. Paul DEQUIREZ
Photo SPMC numéro 1526. La
fête du 1er mai devant le futur centre social Docteur Nuyts.
Non datée.
Non datée.
Alphonse DAVID est derrière,
devant le centre de la porte.
Photo SPMC numéro 3156. Novembre
1971. Réception d'une délégation d'Overath en mairie afin de créer un jumelage
entre les deux villes.
Photo SPMC numéro 3258. Mars
1977. Election du Maire Roger DUTRIEZ.
Photo SPMC numéro 5993. 6
mars 1983. Election du Maire Roger DUTRIEZ.
Photo SPMC numéro 3866. Les
bénévoles du repas du 1er mai 1985.
Photo SPMC numéro 3517.
1986. Inauguration de l'exposition des commerçants de Pérenchies.
Photo SPMC numéro 4588. En
1988. Réception de religieuses en mairie de Pérenchies.
Photo SPMC numéro 5512.
Anniversaire de la Bibliothèque pour tous.
Photo SPMC numéro 6007.
Avant 1995. Distribution des colis aux aînés.
Photo SPMC numéro 2702.
Noces d'or en mairie avec Roger DUTRIEZ. Avant 1995.
Photo SPMC numéro 2760.
Cérémonie des vœux en mairie avant 1995.
L’actuel
maire de Pérenchies, Bernard PROVO, qui l’a connu durant 50 ans, dira de lui
lors de son éloge funèbre : « Alphonse fut un grand serviteur de sa
commune et un homme très engagé. Il défendait toujours les plus petits. »
Il
participera aux grèves de 1936 et connaîtra la guerre 1939/1945.
Photo SPMC numéro 2825.
1937. La section de la JOC (Jeunesse Ouvrière Chrétienne).
Alphonse DAVID est au 1er
rang, plus bas que les autres, la main gauche sur le genou.
En
1943, il rejoindra Vendresse, le chantier forestier dans les Ardennes organisé
depuis juillet 1942. Celui-ci évita à de nombreux jeunes de notre région de
partir en Allemagne au S. T. O. (Service du Travail Obligatoire). Alphonse y
tiendra le rôle de vaguemestre (distribution du courrier).
En
août 1943, il reviendra à Pérenchies mais en septembre, son employeur lui
demandera d’y retourner en train afin d’avoir des renseignements sur la rafle
qui s’y était déroulée. En effet, des actes de résistance se déroulaient au
sein du chantier forestier et sur dénonciation, les troupes allemandes étaient
intervenues et plusieurs personnes dont le directeur de la structure,
Henri-Claude TARDIF, avaient été arrêtées.
La
peur régnait à Pérenchies et il fallait absolument savoir ce qui était arrivé.
Alphonse
rencontrera Madame TARDIF qui l’hébergera pour la nuit encore sous le choc de
l’arrestation de son époux et d’une dizaine d’autres personnes.
Elle
lui conseillera de partir tôt le lendemain matin car les Allemands pouvaient
revenir. Alphonse reprendra le chemin de Pérenchies muni de quelques
informations qui rassureraient certaines familles mais en endeuilleraient
d’autres.
Alphonse
était engagé dans plusieurs associations dont les Papillons blancs et la
société des jardiniers de Pérenchies dont il était le président fondateur. Il
était également membre actif de la mutualité française, membre de l’association
des anciens prisonniers de la guerre 1939/1945 et membre des Anciens des chantiers
forestiers de Vendresse.
Il
adhérait aussi à l’association d’histoire locale « Si Pérenchies m’était
contée… » pour laquelle il écrivit plusieurs textes de souvenirs.
Photo SPMC numéro 4599.
Assemblée Générale de « Si Pérenchies m'était contée... »
Jusqu’en
2012, il remplit les fonctions de délégué du tribunal de grande instance pour
la révision des listes électorales.
Plusieurs
distinctions lui furent remises :
- Chevalier de l’Ordre National du Mérite.
- Adjoint au maire Honoraire
de la ville de Pérenchies.
- Médaille Régionale,
Départementale et Communale.
- Médaille de la ville de
Pérenchies.
- Médaille de la mutualité
Française.
- Médaille d’entraide des
Anciens Prisonniers de la guerre 39/45.
- Président Honoraire des
jardiniers de Pérenchies.
Avec
Thérèse, son épouse, ils eurent 6 enfants.
Photo SPMC numéro 2826.
Mariage de Thérèse et d'Alphonse DAVID.
Photo SPMC numéro 4506.
Mariage de Thérèse et d'Alphonse.
A
toute la famille, notre association d’histoire locale présente toutes ses
condoléances et est fière d’avoir eu comme membre une telle personne, un
Pérenchinois qui aimait sa ville et ses habitants.
Texte
introductif réalisé à partir des sources suivantes :
- Vivre à Pérenchies. Bulletin
d’information municipale. Numéro 150. Mars 2015.
- La Voix du Nord. Edition
d’Armentières. Vendredi 13 février 2015.
- Mortuaire d’Alphonse DAVID.
Pompes funèbres REMORY. Pérenchies.
- Le chantier forestier de
Vendresse par Alphonse David. Fin XXème.
Pour
lui rendre hommage, voici quelques textes qui furent écrits par lui-même dans
la volonté de préserver notre histoire locale et de la transmettre aux
générations futures.
Quelques
photographies d’Alphonse les illustreront.
Souvenirs
d’école d'Alphonse David ( Texte rédigé en 1996)
« Si Pérenchies m’était
contée… » Histoire d’un enfant pérenchinois. Plaquette 2005.
En 1925, âgé de 4 ans, j’ai pris le chemin de l’école
maternelle de la rue de la Prévôté qui
était composée de deux classes. Nous étions habillés de petits tabliers
noirs. L’école était dirigée par Madame Ghésens secondée
par une autre
enseignante et deux
dames de service.
Avec beaucoup de
patience, elles nous
ont appris les
premières lettres de
l’alphabet et à lire, écrire et compter.
La lecture de l’alphabet
se faisait au tableau et à voix
haute avec beaucoup
de répétitions et
les premières lettres,
nous les avons écrites
à la craie
sur des ardoises
en carton ou
sur des ardoises encadrées de bois.
On nous a
appris à compter
avec des bûchettes,
des petits bâtons
de bois coupés par nos parents que nous emportions
dans des petits sacs de toile. A la sortie
de l’école maternelle, la
majorité d’entre nous savait lire, écrire
et compter. Après
les deux mois de vacances, ( août et septembre ), nous
entrions à l’école Jules Ferry qui n’était pas mixte. Elle se composait de 6
classes, de la 6ème à la 1ère,
celle de
la préparation au
Certificat d’Etudes Primaires. L’école fonctionnait du lundi au samedi
de 8H30 à 11H30 et de 13H30 à 16H30. Le jeudi était jour de congé. Ceux qui le
désiraient, en payant, pouvaient avoir une heure d’études surveillées le soir
pour faire les devoirs et apprendre les leçons.
Pendant la récréation, les billes et les ballons étaient interdits. Les
jeux à courir, mais sans vitesse excessive, étaient autorisés. Une année, un
panneau de basket fut placé. La fin de la récréation était signalée par la
cloche de l’école. On devait se mettre en rangs en silence.
Chaque année, ceux, qui étaient capables, montaient d’une classe pour
arriver vers 12,13 ans au C. E. P.
Chaque matin, une morale était inscrite au tableau. Notre directeur
possédait un jardin potager et, une fois par semaine, il nous donnait des explications
sur les plantations.
Une heure par semaine, monsieur Maes, musicien de l’Harmonie Agache,
nous faisait chanter. On avait aussi une heure d’éducation physique. Souvent,
on nous alignait et nous faisait faire des mouvements avec les bras et les jambes.
J’ai connu deux directeurs : M. Devaux et M. Delabie. Ils étaient
très exigeants sur la discipline et les devoirs.
A la fin de l’année, le Maire et le Conseil Municipal présidaient la
distribution des prix.
En dehors des vacances d’été, nous avions 5 jours à Noël et 15 jours à
Pâques.
Photo SPMC numéro 4196.
1933. Alphonse a 12 ans.
Pour le certificat, ceux qui l’avaient pouvaient s’acheter des cocardes
tricolores et se promener avec dans les rues. Quelques uns continuaient leurs
études. Les autres entraient dans le monde du travail.
Le
9 octobre 1934, en culottes courtes, j’entrai à la fabrique Agache. Nous étions
fiers de partir au travail et d’apporter, à nos parents, une modeste paie.
Jeux d’antan
par Alphonse David. Mars 2005
Nos jeux d’enfants, vers 1930, se passaient presque
entièrement dans les rues de dos différents quartiers. C’était l’endroit où
l’on savait se retrouver à n’importe quelle heure de la journée. Il y avait
très peu de voitures en dehors de celles des médecins, des artisans, des
commerçants et de quelques voitures hippomobiles des laitiers, des charbonniers
et des livreurs de bière. Le temps de nos jeux, c’était le jeudi matin, tous
les soirs après la classe et les devoirs vite faits mais surtout durant les vacances
scolaires. Le jeudi après-midi, la plupart d’entre nous allait au patronage de
la paroisse où étaient organisés des jeux collectifs sur le parking de
l’actuelle poste entre les rues du nord et du Kemmel. On jouait au football,
aux courses au drapeau ou aux prisonniers. C’était souvent des jeux de vitesse.
Parfois, tout le patronage partait au stade Agache et nous étions emmenés par
les tambours et les clairons de jeunes camarades qui faisaient partie de la
clique de la société de gymnastique « La Jeanne d’Arc ».
Le temps de nos jeux durait toute l’année avec des périodes se
rapportant régulièrement aux mêmes jeux.
LES JEUX DE BILLES
Le printemps terminé, un camarade sortait des billes de ses poches et
c’était le signal. Chacun retournait à sa maison rechercher les siennes, celles
qui restaient de l’année précédente. On pouvait alors commencer les parties. Le
jeu dit « à la ligne » se jouait dans les ruisseaux des rues. On
jetait une bille en verre, une agate, quelques mètres en avant. Celui qui, avec
une autre bille, la touchait, en gagnait deux. Si celle-ci était arrivée très
proche sans dépasser la largeur d’une main étalée ( C’était notre mesure ), on
gagnait une bille. Un autre jeu s’appelait « à la fosse ». Avec le
talon de nos bottines, nous creusions une petite cavité dans la terre battue.
Chaque joueur misait le même nombre de billes ( De 10 à 20 ). Toutes les billes
étaient jetées dans la fosse. Pour gagner, il fallait qu’il reste un nombre
pair de billes. S’il était impair, le gagnant était celui qui n’avait pas jeté
les billes dans la fosse. Nous construisions nous-mêmes certains de nos jeux
comme les cerceaux, les cerfs volants, la fronde, la canne à pêche ou l’arc.
LE CERCEAU
Pour faire un cerceau, nous prenions une vieille roue de vélo dans les
décharges des terrains vagues. Chaque quartier en possédait une car le
ramassage des ordures n’existait pas et le peu d’ordures ménagères était jeté
sur ces décharges. De cette roue, on retirait tous les rayons et le moyeu. Il
ne restait que la jante en fer. Avec un fil de fer, nous formions un crochet
qui nous permettait de pousser la roue en courant. Tous ensemble, nous faisions
des courses de vitesse dans les rues.
L’ARC
Le long des clôtures, il y avait des saules dont les branches étaient
très flexibles. C’était ce qu’il fallait pour fabriquer un arc. Avec une corde
bien tendue, c’était vite fait. Pour la confection des flèches, nous avions
deux possibilités : La faire avec une fine branche de saule et fixer une
plume de poule ou de pigeon pour la guider ou la faire en fer. Dans les
décharges, on trouvait toujours et facilement des vieux parapluies d’où on
retirait les baleines et qui devenaient nos flèches. Elles étaient très légères
et dangereuses surtout quand on les aiguisait sur les grès des bordures de
trottoirs pour que l pointe soit très acérée.
LE CERF VOLANT : LE DRAGON
Quand l’été était venu, les grands champs d’avoine et de blé étaient
coupés. Nous avions alors de grands espaces libres. Venait alors la période des
cerfs volants. On les appelait dragons peut-être parce que certains de ces
animaux fabuleux avaient des ailes ! Nous utilisions pour les fabriquer du
saule, du papier, de la ficelle et un bobinot. Tout était gratuit ou de
récupération. Nous partions à la recherche des branches que nous choisissions
très fines et surtout légères pour l’armature. De retour à la maison, nous
assemblions les baguettes et les fixions avec de la ficelle. Pour le papier,
nous prenions celui qui recouvrait nos livres de classe. La colle était
fabriquée par nos mères avec de la farine et de l’eau chaude. Afin que le
dragon puisse voler verticalement, nous construisions une queue réalisée avec
de fines bandes de toile découpées dans les déchets des serviettes, draps ou
toiles… Il fallait une longueur de 5 à 6 mètres. Pour le faire voler très haut
et loin, il fallait beaucoup de ficelle, plus de 50 mètres ! Heureusement,
il y avait la filature Agache. Cette longueur de ficelle était enroulée sur un
bobinot que nous construisions également. C’était facile. Le dragon terminé,
nous prenions la direction des champs de blé ou d’avoine coupés avec les
copains. Ils aidaient à le faire voler. Quelle joie quand celui-ci montait très
haut. On faisait le concours de la plus grande hauteur. Toute l’après-midi, on
le faisait voler en fixant le bobinot à un piquet de clôture. Parfois, c’était
la chute à cause de la rupture de la ficelle. On ramassait les morceaux du
dragon et toute la ficelle. Le lendemain, on en fabriquait un autre. Nous
étions en vacances, on était libres et c’était l’été !
LA FRONDE
Un autre de nos jeux était la fronde. On utilisait une petite fourche
de bois, de la ficelle, de l’élastique et un morceau de cuir. Nous trouvions la
fourche dans les arbres qui entouraient les pâturages. Elle devait être petite
mais solide. Nous la taillions et enlevions l’écorce afin qu’elle sèche.
L’élastique était aussi trouvé dans les terrains vagues. C’était la chambre à
air de vieux vélos que l’on coupait en fines bandes. Le tout était ficelé très
fortement. La partie qui accueillait le projectile ( Bille ou caillou. ) venait
d’une languette de cuir retirée d’une vieille paire de bottines. Nous faisions
des concours en abattant des boites de conserves vides posées sur un poteau.
Parfois, j’avoue qu’on prenait les oiseaux comme cibles. Mais ils étaient
rarement atteints.
A LA PECHE AUX GRENOUILLES ET AUX EPINOCHES
En juillet et en août, on allait à la pêche aux épinoches ( Petits
poissons des étangs. ). On coupait une longue et fine branche de saule, la
gaule. Il n’y avait pas d’hameçon. Comme appât, on mettait des gros vers de
terre que l’on trouvait dans les fumiers des fermes et que l’on attachait au
bout d’une ficelle. Nos endroits de pêche, c’était les étangs du pont Ballot,
le long de la voie ferrée et les grands fossés du hameau du Fresnel. Nous
cherchions aussi les grenouilles et les lézards. Il y en avait beaucoup car
l’eau était propre et non polluée. Parfois sur les berges glissantes, c’était
la chute dans la mare peu profonde heureusement. On retournait alors à la
maison, bien trempé mais comme il faisait chaud..
ENTRE DEUX
JEUX, SE FAIRE UN PEU D’ARGENT DE POCHE
En septembre, les
moissons terminées, les fermiers commençaient à enlever les pommes de terre de
leurs champs. Il fallait alors beaucoup de personnel pour en effectuer le
ramassage. A Pérenchies, il existait une très grande ferme ( 4 chevaux ) qui
était étendue sur toute la surface entre la rue du Temple, la rue de la Prévôté
et celle de la rue Henri Bouchery. Ces bâtiments existent toujours. L’arrachage
se faisait avec une machine tirée par un cheval qui projetait les plantes sur
le côté. La main d’œuvre était vite trouvée : les garçons et les filles.
Le jeudi matin, nous nous présentions sur le champs du fermier et celui-ci nous
attribuait une longueur de terrain pour ramasser les pommes de terre. On
recevait un panier en osier, une bansse, et nous devions alors ramasser 25 kg
avant de transvaser les pommes de terre dans un sac de chanvre. Il fallait 2
paniers pour le remplir. La journée terminée, le fermier comptait les sacs
remplis et nous recevions alors un petit salaire.
TOUT A UNE FIN
Après l’école et les
jeux d’enfants, nous nous retrouvions vers 13 ans dans le monde du travail.
Le 9 octobre 1934, à 7H du matin, en culottes courtes et âgé de 13 ans, j’entrai chez Agache
Alphonse DAVID. 2005.
J’ai passé mon certificat d’études
primaires à Quesnoy sur Deûle en juin
1934.A l’âge de 13 ans, les études terminées, naturellement, comme mon père,
mes frères et mes sœurs, je suis parti travailler à l’usine. A l’époque, très
peu de familles envoyaient leurs enfants au collège. C’était principalement,
les commerçants, les artisans et les professions libérales.
Apres avoir passé un contrôle sur
mes capacités à écrire et compter, je suis embauché et, le 9 octobre 1934, à 7
h du matin, muni de ma blouse d’écolier, je passai la grille d’entrée de la rue
Edouard Agache en culottes courtes.
La route du travail, c’était un
grand défilé d’hommes et de femmes, qui arrivaient de toutes les rues de la
commune à la même heure.
La grande majorité venait de la
commune et des environs : Prémesques, Verlinghen et Lompret. C’était plus
de 2 400 personnes qui, à pieds ou en vélo, franchissaient le portail de
l’usine. Je fus conduit à l’atelier. Le dévidoir au sec. C’était un très grand
bâtiment. Le personnel était féminin. 80 ouvrières travaillaient sur des
métiers appelés dévidoirs et bobinoirs. Ce qui m’a surpris, c’était la
grandeur de l’atelier et surtout les poussières qui volaient dans la salle, un
véritable nuage qui était propulsé par les moteurs des 50 métiers. Beaucoup
d’ouvrières, pour protéger leur chevelure, portaient sur la tête un bonnet de
toile blanc. Pour certaines, les effets de la poussière sur les poumons ont
causé une toux qui est devenue, par la suite, chronique. A l’atelier du
peignage, pour le travail du chanvre ( très mauvais pour les poumons ), la
direction payait un litre de lait aux ouvriers. Mon travail consistait à
imprimer des étiquettes, à faire des vérifications et à porter le courrier
entre les ateliers de production mais aussi aux ouvrières. J’avais 13 ans et je
fus très bien accueilli par elles. A la st Nicolas, on ne m’oubliait pas et
j’ai gardé un très bon souvenir de ce passage dans cet atelier féminin. Par mon
travail, je circulais dans l’usine et, très souvent, je pouvais voir mes
anciens camarades d’école qui travaillaient dans leur métier à filer au sec et
aussi au mouillé. Ceux-ci travaillaient en équipes de 10 garçons et filles. On
les appelait démonteras ou varouleurs. Ils étaient commandés par un chef
d’équipe. Leur travail consistait à retirer les bobines de fil remplies des
métiers et de les remplacer par des vides. Il fallait le faire très rapidement
pour éviter que le métier s’arrête trop longtemps. Les jeunes garçons et filles
étaient appelés au sifflet par leur chef d’équipe. Tout le travail devait se
faire très rapidement et certains avaient des difficultés à suivre la cadence
et subissait les sévères remarques du chef d’équipe. Pour ceux qui
travaillaient dans la filature au sec, ceux-ci subissaient, comme les
dévideuses et bobineuses, le problème des poussières qui envahissaient leurs
ateliers. Ceux de la filature au mouillé, c’était l’eau, les vapeurs et
l’humidité qu’ils devaient subir toute la journée. En effet, les métiers à
filer avaient des bacs d’eau chaude où passaient les mèches ( fibres de lin ou
de chanvre) qui devaient être filées sur les bobines du métier. L’ouvrière
fileuse au mouillé, pour se protéger de l’humidité, devait se mettre, autour de
la taille un sac de chanvre, un sac à pommes de terres, qui devait être
régulièrement remplacé. Le personnel de ces ateliers travaillait en sabots et
même à pieds nus sur le sol toujours mouillé et très glissant. Il y avait
souvent des chutes. Pour les camarades de classe et aussi les fileuses, le
métier était très pénible car toute l’année, ils étaient dans l’humidité. Le
métier de jeune démonteur durait quelques années. On devenait ensuite
fileur manœuvre, homme de peine ou
alors, on montait dans la hiérarchie de l’usine. Pour les jeunes filles, elles
pouvaient choisir entre fileuse, dévideuse, bobineuse ou partir dans les autres
ateliers féminins de la fabrique. Enfin, une partie quittait Pérenchies pour
d’autres usines textiles, très nombreuses dans la région. Un ouvrier, qui
quittait l’usine, pouvait facilement retrouver du travail le lendemain dans les
fabriques d’Armentières ou d’Houplines. Certains partaient dans les services
publics.
A l’atelier du dévidage au sec,
je suis resté 3 ans pour ensuite aller à celui des peignerons. Je quittai ma blouse pour enfiler
mon 1er bleu de travail. C’était un atelier de réparations comme
pour les peignes qui avaient des pointes d’acier ou pour les cardes qui étaient équipées de douves ( Planches de
bois munies également de petites pointes d’acier et qui servaient à étirer les
fibres ). Notre travail consistait à réparer les peignes et les douves des
métiers. Notre atelier était composé d’une vingtaine d’ouvriers. On se
connaissait tous. Nous habitions tous la même commune. Le travail n’était pas
pénible. Et, même, au rendement, cela n’était pas contraignant L’ambiance était
bonne. Très souvent, la pause casse-croûte du matin était l’objet de grandes
discussions sur les prises de positions des syndicats. A l’époque, il y en
avait trois dans l’usine : CFDC, CGT et FO. Nous parlions politique mais
toujours dans le respect des convictions de chacun.
En 1944, un poste d’employé de
bureau me fut proposé. J’ai remis une blouse et j’ai terminé ma vie
professionnelle dans cet emploi en 1981, âgé de 60 ans et 47 années à la
filature Agache de Pérenchies, mon unique employeur.
LE CHANTIER FORESTIER DE VENDRESSE
Alphonse
DAVID. Texte écrit fin XXème siècle
Le 13 mars 1943, avec mon ami Lucien VILLERS
qui travaillait comme moi dans l’usine textile Agache à Pérenchies, nous sommes
partis rejoindre les jeunes Pérenchinois qui étaient au chantier forestier de
Vendresse, certains depuis sa création en juillet 1942.
Henri-Claude TARDIF en était le
directeur.
Il avait été embauché par
monsieur Joseph BARBIER, directeur de l’usine Agache. Ils s’étaient connus lors
du retour d’évacuation en août 1940. Il s’occupait des jeunes de l’entreprise
et était logé avenue du Kemmel.
A Vendresse, Monsieur TARDIF me
proposa le poste de vaguemestre.
Photo SPMC numéro 3801. Juin
1943. Au « château » à Vendresse.
Photo SPMC numéro 3798.
Juillet 1943 à Vendresse.
J’y suis resté jusqu’en août 1943
avant de retourner travailler comme peigneron à la filature Agache à Pérenchies.
En septembre, le 23 ou le 24, le
directeur de l’usine, monsieur BARBIER, me fait appeler dans son bureau.
Il me dit : « tu
as été au chantier forestier de Vendresse. J’ai su qu’il y avait eu des
contrôles et des arrestations par les Allemands. Le téléphone est coupé. Je te
demande donc de t’y rendre afin d’avoir des renseignements sur ce qui s’est
réellement passé et savoir qui a été arrêté. Il est important de savoir ce que
sont devenus M. TARDIF et les jeunes de Pérenchies. Tous tes frais de transport
et ton salaire seront pris en charge par l’entreprise ».
Photo SPMC numéro 465. M.
BARBIER, Directeur de l'usine Agache.
Photo non datée courant
20ème siècle.
Je lui dis alors que je donnerai
une réponse le lendemain matin après avoir consulté ma famille.
Ceux-ci et l’Abbé LEDEIN me
conseillent de ne pas partir. Mais ma décision était déjà prise.
J’étais jeune et il fallait que
les familles pérenchinoises soient renseignées sur la situation de leurs
enfants.
Le 25 ou le 26, je reprends donc
la direction de Charleville par le train. En descendant du wagon, sur le quai,
un officier allemand m’arrête et me demande en français mes papiers. Je n’avais
qu’une carte d’identité ! Il me demande alors l’objet de mon voyage et ma
destination finale. Je lui explique qu’ayant eu une permission, je retourne sur
mon chantier sans néanmoins en citer le nom.
Sur ma carte d’identité figurait en grosses lettres rouges et en travers
la mention de mineur. Je lui explique que je coupe du bois pour les mines de
Lens. Cela évitait alors le départ pour le STO car le bois était important afin
de maintenir une certaine économie dans les régions occupées.
J’avais bien fait de noter cette
mention. L’officier eut l’air satisfait et il me laissa partir.
J’aperçois alors sur un autre
quai un wagon de voyageurs gardé par des soldats allemands. Des jeunes me font
des gestes. De loin, je les reconnais comme étant du chantier. Vaguemestre à
Vendresse, je m’occupais de leur courrier ! Très ému, je n’ai pas osé
répondre à leurs signes. Je me suis empressé de quitter la gare.
En me dirigeant vers une place
afin de prendre l’autobus pour Vendresse, je songeais alors avec émotion à tous
ces jeunes qui allaient partir pour l’Allemagne.
Je montais dans un autobus qui
roulait au charbon de bois et, durant le trajet, je pris la décision de
m’arrêter dans un petit village avant Vendresse.
Un ancien Pérenchinois y habitait
avec sa femme. Il se nommait Maurice PETILLON. Il était chef d’équipe dans les
chantiers forestiers et il m’apprit qu’il aidait les jeunes bûcherons qui
n’osaient pas retourner au château. Il les ravitaillait et, le soir, ils
repartaient se cacher dans les granges ou dans les bois.
J’appris ainsi qu’il n’y avait
pas de Pérenchinois parmi les jeunes réfractaires arrêtés. A pied, j’arrivai à
Vendresse en fin de soirée.
Je pris immédiatement la
direction du bureau de poste que je connaissais bien. La postière et sa mère
furent très étonnées de me revoir. Elles me dirent de faire attention car les
Allemands pouvaient encore faire des contrôles au chantier. Elles ne
connaissaient pas le nombre d’arrestations.
Je décidais donc d’aller voir
madame TARDIF qui était institutrice. Elle n’habitait pas dans le château mais
une maison particulière dans le village. Lors de ma première venue, j’y avais
dormi une semaine.
Elle était encore sous le choc de
l’arrestation de son époux. Je lui dis que j’étais envoyé par monsieur BARBIER
afin de savoir ce qui s’était passé. Son mari avait été arrêté avec plusieurs
dizaines de jeunes bûcherons et transféré à la prison de Charleville.
Je lui demandé l’hospitalité ne
sachant pas où passer la nuit. Elle accepta mais me conseilla de partir tôt le
lendemain matin car elle craignait le retour des Allemands.
Muni de quelques informations qui
rassureraient les familles pérenchinoises, je repris la route pour Pérenchies
en ayant une pensée pour les 11 personnes arrêtées et pour ces jeunes gens de
mon âge qu’on envoyait travailler loin de leur pays et de leurs familles.
NOEL EN CH’TI
Le jeudi 23 décembre 1993, Alphonse DAVID participa
à une cérémonie religieuse en l’église Saint-Pierre-Saint-Paul à Lille-Wazemmes
intitulée « Noël en Ch’ti » autour de la crèche et de la nativité.
A cette occasion, il créa ce texte en patois :
Ptit Jésus,
Cha va ête NOEL et in va l’fêter
in famill’
Hélas, y’aura incor des pauvres
gins
Pourqui chette bell’fête compte
pour rin
Y n’ont pas d’argint et s’ra ein
jour comme les autes.
Ptit Jésus,
T’es v’nu sur chette terre, ya 2
000 ans
Pour sauver tous les hommes et
leur apporter l’paix
Mais que d’misères, que d’guerres
qui r’continuent
Ichi-bàs, y n’ont rin compris
d’tin messache.
Ptit Jésus,
Ché dans ein ‘étabe et dans
eine’auche
Q’tes né, comme ein tiot miséreux
Incor, à ch’teur, ya des ptits
infants qui souffent
Et n’ont pas à minger tous les
jours.
Ptit Jésus,
Ichi dins ch’Nord, te l’sais bin,
L’canchon des Chti-mis, ché eine
bercheuse
Et qu’o de plus biau qu’eine
maman qui cante pour indormir sin t’iot infant
T’as dû surmint inteindre aussi
eine canchon dormoire ?
Ptit Jésus,
Fais que dins leurs pôves tiétes,
Ché soit-disant humains
comprinnent t’in sacrifice
Et arrêtent d’faire souffrir
leurs frères
Et les aident plutôt à minger à
leur faim
Si in va vers cha, quel’biau jour
pour not’humanité
Alors, tous ensemble, in arrivra
à l’faire avec les gins d’bonne volonté,
Tous les autes et surtout avec
Ti, Ptis Jésus
Enfin, in a toudis espoir
A Tertous, eine bonne’ fête
d’Noël.
SORTIE A VENDRESSE EN 2005 SUR LES TRACES DU
CHANTIER FORESTIER
En 2005, l'association d'histoire locale « Si
Pérenchies m'était contée... » s'est rendue en délégation à Vendresse sur
les traces du chantier forestier qui accueillit durant la guerre 1939/1945 les
jeunes du nord de la France leur évitant ainsi un départ pour l'Allemagne dans
le cadre du S. T. O. (Service du Travail Obligatoire).
Deux personnes ayant connu ce chantier participaient
à notre déplacement : Roger MALLET et Alphonse DAVID.
C'est avec beaucoup d'émotion que ces deux personnes
revirent les lieux dont le « château » où étaient hébergés les
jeunes, l'église et la place du village ainsi que la plaque du souvenir
actuellement installée sur le mur du cimetière.
La même émotion avait gagné ces deux personnes lors
de l'inauguration de la rue du Maquis de Vendresse le 25 septembre 2004 à l'occasion du 60ème
anniversaire de la Libération de Pérenchies.
avec les membres de
« Si Pérenchies m'était contée... »
23/02/2015
Philippe
JOURDAN
Président
de « Si Pérenchies m'était contée... »
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