jeudi 4 juin 2020

Des grèves à travers le temps. Une autre image des Ets Agache

Nous avons publié plusieurs articles sur les Ets Agache. Ceux-ci mettaient en avant les réussites de cette entreprise et les activités sociales qui y étaient proposées.

D’autres textes existent présentant une autre facette de ce qui était vécu par les ouvriers de l’usine. Voici donc quelques textes sur les grèves chez Agache. 

 

1889. L’Univers du dimanche 17 mars 1889

« Les grèves dans le Nord.

A Pérenchies, les grévistes ont brisé les vitres de la maison du directeur et de celle du sous-directeur d’un tissage, puis ils ont parcouru les rues en criant. Des femmes ont arboré la cocarde rouge. Un escadron de chasseurs à cheval et une compagnie du 43ème de ligne sont venus renforcer les troupes déjà envoyées.

A la dernière heure, il semblait que le calme allait se rétablir, mais trente délégués envoyés à Lille, à la préfecture, n’ayant pu obtenir de M. Saisset-Schneider  les réponses qu’ils désiraient, la crise pourrait prendre une nouvelle acuité.

 

A Pérenchies, on croit que M. Agache fera quelques concessions aux grévistes. Le calme est complet.

 

On assure que les délégués de Pérenchies demandent une nouvelle entrevue pour prendre connaissance des concessions de M. Agache ».

 

Le pavillon du Directeur des Ets Agache avant 1914. Rue de Lille.

Document SPMC numéro 1 029

 

Soldat du 43ème de ligne en tenue de campagne.

Ce soldat n’a rien à voir avec Pérenchies. Document d’illustration Internet.

 

1889. La Lanterne du 18 mars 1889

« Mouvement ouvrier. L’agitation ouvrière dans le Nord. Situation grave. Envoi des troupes.

On assure que les délégués de Pérenchies demandent une nouvelle entrevue pour prendre connaissance des concessions de M. Agache.

Lille, 16 mars. M. Saisset-Schneider, préfet du Nord, a reçu ce matin à onze heures, à la préfecture, les délégués des ouvriers de Pérenchies, accompagnés du maire de leur commune.

Il leur a fait connaître que M. Agache était en ce moment à Pérenchies, dans le but de s’entendre directement avec les ouvriers sur les conditions de travail. M. Agache est animé à l’égard des ouvriers des plus bienveillantes dispositions ; tout ce qui lui sera possible de faire sera fait.

En ce qui concerne les deux contremaîtres dont les ouvriers ont demandé le renvoi, le préfet a déclaré qu’il était autorisé à leur faire connaître que ces deux contremaîtres ne rentreront pas aux ateliers de Pérenchies.

Le préfet a renouvelé aux délégués la déclaration formelle que tout désordre sur la voie publique serait énergiquement réprimé.La situation de la grève n’a pas changé depuis hier soir ; les délégués des grévistes de Lille sont réunis actuellement à la préfecture…… »  

  

Le peignage du lin dans les Ets Agache à Pérenchies avant 1914

Document SPMC numéro 516


1889. La caricature du 18 mars 1889

« L’agitation ouvrière.

Lille, le 17 mars. Les délégués de Pérenchies ont convoqué hier soir les ouvriers grévistes pour leur faire connaître les propositions faites par M. Agache, propositions qui ont été repoussées à l’unanimité.

Les ouvriers maintiennent leur tarif qui est celui d‘Armentières moins un demi-centime. La grève continue dans le plus grand calme.

Hier, à la paye de quinzaine à l’usine de M. Agache, la moitié des ouvriers à peine se sont présentés à la caisse ; ils émettaient la prétention de se faire payer intégralement les journées de la grève ?

M. Agache a réuni les contremaîtres et leur a déclaré qu’il était disposé à accepter une augmentation sur une proportion de … (illisible).

Des arrestations ont été opérées ce matin à Pérenchies, entre autres celle d’une femme qu’on appelle : « Louise Michel ». Les usines sont occupées militairement ».

 

Le conseil d’administration des Ets Agache de Pérenchies en 1887 dans le parc du château.

Document SPMC numéro 614

 

1889. La Dépêche du 19 mars 1889

« Les grèves.

Les anarchistes d’Armentières, de Lille et de Roubaix se sont réunis, hier, à l’occasion de l’anniversaire du 18 mars. Il a été entendu que la conciliation n’ayant pas abouti dans le conflit qui existe entre ouvriers et patrons, les ouvriers seraient invités à employer la violence et la force.

A la suite de cette réunion, des instructions rigoureuses ont été données par le préfet pour que tout attroupement sur la voie publique soit dispersé et que des arrestations soient faites, au besoin, après les sommations légales. Enfin, que toute exhibition de drapeaux ou emblèmes séditieux soit immédiatement réprimée par la force. L’exécution de ces instructions sera appuyée par des détachements de troupes.

Tous les établissements industriels de Lille et des faubourgs seront occupés par des détachements d’infanterie.

………

Des tentatives de désordres ont eu lieu, ce matin, à Canteleu. Elles n’ont pas abouti, par suite des mesures prises. Des bandes de grévistes de Pérenchies ont tenté d’envahir les établissements de M. Manet. Ils ont été arrêtés et refoulés par la troupe. Il règne un calme relatif.

…………….

 

A Pérenchies, la situation est moins tendue. Quelques ouvriers ont repris le travail.  (Lille, le 18 mars, soir).

La journée d’hier a été calme à Lille, Bailleul, Armentières, Pérenchies et même Halluin, où la grève est générale.

Ce matin, un certain nombre de groupes de quatre ou cinq grévistes se sont présentés aux fabriques. Ils ont été repoussés par la police sans opposer de résistance. La troupe qui garde les établissements n’a pas eu à intervenir ». 

 

L’entrée de l’usine Agache, rue de la fabrique (actuelle rue Edouard Agache) avant 1914.

Document SPMC numéro 1 069

 

Cuirassiers avant 1914.

Documentation internet.

 

1903. La Croix du 7 octobre 1903

« Les grèves dans le Nord.

La grève des tisseurs du Nord prend une grande extension. Aujourd’hui, les grévistes sont environ 25 000.

A Armentières, aucun ouvrier ne s’est présenté dans les usines.

Dès la première heure, des groupes de grévistes se sont rendus à Pérenchies, à Frelinghien, à Deulémont à Comines, à Erquinghem, au Bac-Saint-Maur, à Estaires, pour débaucher les ouvriers textiles dans ces centres industriels.

Le lieutenant-colonel Lusseaud a fait lire aux troupes un ordre de service les invitant à avoir beaucoup de patience et de calme afin d’éviter tout conflit avec les grévistes.

Toutes les troupes sont reliées par les téléphones qui font partie des établissements où elles sont cantonnées.

A Pérenchies, tous les ouvriers de la filature et du tissage se sont solidarisés avec les grévistes ».

 

1903. Le Grand Echo du Nord et du Pas-de-Calais du 8 octobre 1903.

« A Pérenchies, l’usine Agache ferme.

La méthode avec laquelle les ouvriers grévistes d’Armentières ont organisé le débauchage dans les usines similaires ferait croire que le plan a été concerté longtemps à l’avance.

Mardi matin, ils se sont divisés en deux colonnes fortes de 1 000 à 2 000 personnes.

Une colonne s’est dirigée vers le nord de Tourcoing, à Linselles, à Roncq et à Halluin.

La seconde colonne est venue aux portes de Lille par Pérenchies, le Marais-de-Lomme, Canteleu et Lambersart.

Partout, on constate la même façon de procéder.

Une avant-garde de cinquante à soixante grévistes, précédant le gros d’une demi-heure, pénètre dans la commune, se rend aux usines visées et demande le patron, ou le directeur, ou le concierge :

-        Nous vous prions de renvoyer immédiatement le personnel et de fermer l’usine.

Si le patron essaye de protester, les grévistes reprennent :

-        Faites attention, il y a derrière nous six mille hommes et nous ne répondons de rien lorsqu’ils seront là.

Cette tactique a réussi mardi matin et, dans la plupart des cas, l’usine était fermée à l’arrivée du gros des grévistes.

Hâtons-nous de die que cette armée de sans-travail était infiniment moins imposante que ne l’annonçait l’extrême-pointe.

Soit découragement, soit lassitude, la colonne laisse de nombreux trainards en route.

Ainsi les 1 200 ou 1 500 grévistes, partis d’Armentières mardi matin pour Lille, étaient réduits à 300 ou 400 à l’arrivée dans la banlieue.

Néanmoins, le résultat était atteint et le chômage sur tous les points touchés par les grévistes était devenu général.

Faut-il s‘attendre à la grève de tous les textiles du Nord ?  L’opinion unanimement admise est qu’il n’y a pas de plan concerté. Partant, on ne s’attend qu’à l’arrêt des usines qui auront été visitées par les bandes grévistes.

D’ailleurs, nous avons dit les raisons pour lesquelles le mouvement actuel était en quelque sorte intempestif et venait jeter le trouble dans les vues du Conseil national de l’Industrie textile.

Ceci dit, nous allons passer au récit des diverses manifestations de la journée de mardi.

……….

Comme la veille, les grévistes du quartier de la route d’Houplines ont été réveillés par les appels de tambours et de clairons.

………

A sept heures, une colonne volante de grévistes comprenant environ 300 personnes, l’avant-garde, s’est dirigée sur Pérenchies par le gravier de la Prévôté.

Une autre colonne-le gros-composée de près de 2 000 grévistes s’est formée dans Armentières pour se diriger sur Pérenchies et Lille. Des ordres ont été immédiatement donnés pour faire suivre cette bande par des détachements de gendarmes et de cuirassiers.

……………………………..

Extrait d’un discours prononcé :

« Les ouvriers des filatures, des préparations et des tissages d’Armentières, Houplines et environs, victimes de l’exploitation la plus éhontée et pressentant la diminution progressives de leurs salaires ; ont déclaré la grève générale de toutes les corporations et catégories de l’industrie textile.

Ils vous demandent de vous solidariser avec eux en vue de l’unification des tarifs actuellement élaborés par le Comité de la grève. Ces tarifs visent l’application d’une base unique de salaires dans les filatures et dans les préparations pour chaque catégorie d’ouvriers et ils établissent pour les tissages un tarif-type ayant pour base la journée nouvelle de dix heures voulue par la loi Millerand-Colliard.

Jusqu’ici les patrons, à chaque revendication nouvelle des travailleurs, ont répondu que la concurrence des ouvriers de la banlieue d’Armentières, les empêchait d’augmenter le taux des salaires….

Cet argument tombera si tous les travailleurs du textile savent exiger un tarif unique pour toute la région ».

………

La bande gréviste partie d’Armentières est arrivée vers huit heures en vue de Pérenchies où le travail avait continué lundi et avait été repris mardi matin.

Contrairement à ce qu’on avait annoncé, en effet, les grévistes n’avaient pas poussé, lundi, jusqu’aux établissements Agache.

Avant leur arrivée à Pérenchies, on leur affirma que les 1 500 ouvriers des établissements Agache et Cie avaient déserté le travail.

Cette nouvelle fit rebrousser chemin à la colonne de grévistes.

L’information était controuvée. Les grévistes l’ont appris dans la soirée et ont décidé de venir arrêter Pérenchies mardi matin.

Dès que les directeurs des établissements Agache ont été prévenus de l’arrivée des grévistes, ils ont arrêté les machines et licencié leur personnel. Les 1 500 ouvriers sont rentrés paisiblement chez eux et s’y tiennent fort tranquilles. M. Rivola a adressé en plein air quelques mots aux ouvriers (NDLR : on trouve plus loin dans l’article : M. Moïse Rivola, employé à la mairie socialiste d’Armentières).

La bande gréviste précédée de ses éclaireurs s’est alors mise en route vers Lomme, Marais-de-Lomme et Canteleu ». 

Le Grand Echo du Nord et du Pas-de-Calais

8 octobre 1903. Grève chez Agache. BNF (Gallica)



1930. L’Indépendant des Basses-Pyrénées du 21 août 1930

« La garde mobile charge deux fois à Pérenchies.

Lundi, vers 13 heures, des groupes de grévistes se sont formés, sous la conduite de la communiste Marthe Desrumeaux, devant les portes d’une usine de Pérenchies. Comme ils ne voulaient pas se disperser, la garde mobile à cheval intervint et déblaya la rue. Un ouvrier fut renversé et assez grièvement blessé à la jambe.  

Les manifestants s’étant regroupés pour se diriger vers des usines, la garde montée chargea de nouveau. Trois grévistes ont été arrêtés et conduits à la gendarmerie, d’où ils furent dirigés sur le parquet de Lille qui les poursuivra pour injures, rébellion et coups ».

 

1921 à 1936

Le «grille». Monsieur DELAHAYE.  (21 mai 1998)

« Je suis né en 1908. Je suis entré en 1921 chez Agache comme apprenti. On apprenait le travail par camaraderie. J’ai travaillé à la lamerie où le travail consistait à la préparation pour le tissage. Il fallait avoir une bonne vue car il fallait toujours fixer.

 

Je commençais à 7 heures du matin. A 8H, il y avait la pause d’un quart d’heure puis on reprenait jusqu'à midi. Je rentrais manger à la maison avant de reprendre à 13H3O. Je finissais ma journée à 17H3O.

Il n’y avait pas d’équipes.

Mon premier jour d’usine, j’étais un gosse de 13 ans. Tout gamin, on savait qu’on irait un jour travailler à l’usine.Déjà à douze ans, j’avais travaillé pour l’entreprise Picot qui reconstruisait l’usine détruite. Je portais des papiers et des marchandises. J’étais un mousse comme on disait alors.

 

Au tissage, on était payé tous les 15 jours. Celui qui faisait mal son travail ou qui faisait une faute touchait à la place de son argent le bout de toile défectueuse. Il repartait alors avec une brouette pleine de toile. Il devait se débrouiller pour la vendre. C’était strict et dur.

 

En 1936, on a demandé l’abolition de ce système. En filature, ils ont demandé la fin des amendes. Les grèves ont duré deux fois une semaine. On a beaucoup dansé. « Le café du grille apportait le jus ». Il y avait un accordéon. On jouait aux cartes. C’était comme à la kermesse.

Le premier jour, on ne savait rien. Les syndicats faisaient des réunions au cinéma Aimé et ils négociaient.

Je me souviens que Despatures faisait aussi grève. Ils étaient solidaires d’Agache. Les Italiens dormaient dans les fours. Il y avait des drapeaux rouges. Les patrons n’ont pas pu passer « le grille ».

Je me souviens. On dormait au magasin. Les syndicats avaient demandé de ne pas casser le matériel. Cela a été respecté.
Le syndicat blanc, pro patron, avait essayé de casser la grève. Cela n’a pas réussi.

Chez Agache, il fallait être rigoureux. Par exemple, 1Omn de retard étaient sanctionnées par un retrait d’une heure sur le salaire. Après 1O minutes, « le grille » était fermé et les retardataires pouvaient retourner chez eux.

 

Tout tournait autour des établissements Agache. On était heureux. Il n’y avait pas de compteur d’eau. On avait un jardin si on voulait. Il y avait peu d’argent mais nous avions peu de dépenses.J’ai fait partie de l’Harmonie. Nous étions passionnés par la musique. Les patrons payaient le conservatoire et l’harmonie était renommée ».

 

Les grèves de 1936 à Pérenchies. Défilé rue Edouard Agache.

Document SPMC numéro 580


Les grèves de 1936 à Pérenchies. Défilé sur la Grand’Place.

Document SPMC numéro 581


Les grèves de 1936 à Pérenchies. Rassemblement sur la Grand’Place de Pérenchies.

Le jeune homme à béret à gauche est Alphonse DAVID.

Document SPMC numéro 582

1928 à 1936

Témoignage d’une ouvrière des établissements Agache (A. M. 1998)

« Lorsqu’on avait le Certificat d’études, on pouvait aller travailler avant 13 ans. Je suis née en 1916, j’étais élève à l’école laïque de Pérenchies, j’ai obtenu mon certificat en juin 1928. J’étais d’ailleurs la seule fille de l’école laïque à le passer cette année-là, et je fus reçue la première du canton. J’ai commencé à travailler aux établissements Agache vers octobre.

 

Quelques jours avant, ma mère m’avait conduite à l’usine et nous étions entrées toutes les deux à la salle des peignées. Dans cette salle, nous avons vu une dame que nous connaissions qui est venue nous parler. Quelques jours plus tard, je commençais à travailler.

Ce qui m’a le plus surprise au début, c’est le bruit des machines. Il s’agissait encore de machines à courroies. Au milieu de l’atelier, il y avait une cabine vitrée avec, à l’intérieur, une espèce de gros compteur. Le graisseur y entrait et il actionnait une manette. La courroie s’ébranlait et nous pouvions mettre notre métier en route.

Les conditions de travail étaient dures et les contremaîtres étaient parfois sévères. Je me rappelle que lorsque j’étais jeune, à l’un des piliers de la salle il y avait un cercle en fer avec un crochet. Sur celui-ci pendait une plaque métallique. Quand l’une d’entre-nous devait aller aux toilettes, elle devait prendre la plaque et tant que la plaque n’était pas remise en place, personne d’autre ne pouvait sortir.

 

Après les grèves de 1936, les conditions de travail ont été améliorées. Je garde peu de souvenirs de ces grèves. Par contre, je me rappelle celle de 1930, où les ouvriers refusaient les assurances sociales obligatoires. Les grévistes empêchaient ceux qui voulaient travailler d’entrer à l’usine. Des gardes mobiles à cheval sont venus. Il y a même un homme de la rue Gambetta qui a été bousculé par un garde mobile et qui s’est cassé la jambe en tombant. Les grévistes chantaient une chanson dont voici quelques-unes des paroles :

 « Nous ne paierons pas pour les assurances car cette loi est faite contre nous

Nous réclamons pour calmer nos souffrances une augmentation de dix sous »

 

Au cours de ma carrière, j’ai travaillé dans plusieurs salles, mais c’était toujours pour la préparation de la filature. J’avais un frère, trois ans plus âgé que moi, qui travaillait à la lamerie (préparation du tissage). J’ai arrêté mon travail en 1946, à la naissance de mon fils et j’ai repris ensuite en 1954. J’étais étirageuse et c’est moi qui ai mis en route les nouveaux métiers au sec à anneaux. En 1978, j’ai dû cesser mon travail pour raison de santé et je n’ai pas pu reprendre mon activité.

J’ai gardé d’excellents souvenirs de ma vie professionnelle et de la bonne ambiance qui régnait entre les ouvrières. L’amitié qui nous unissait nous a aidées à surmonter bien des difficultés ».

 

Les grèves de 1936 à Pérenchies. Rassemblement d’ouvriers.

Document SPMC numéro 758

 

Les grèves de 1936 à Pérenchies. Rassemblement d’ouvrières dans l’usine.

Document SPMC numéro 776

 

 

Les grèves de 1936 à Pérenchies. Les ouvriers attendent dans l’usine en famille près des voies ferrées de l’usine.

On aperçoit derrière le bâtiment LL (Long Lin),

lieu de stockage des matières premières, aujourd’hui le magasin MATCH.

Document SPMC numéro 894

 

Les grèves de 1936 à Pérenchies. Rassemblement d’ouvrières dans l’usine Agache.

Document SPMC numéro 897

 

Les grèves de 1936 à Pérenchies.

Des ouvriers et des employés patientent dans un bureau de l’usine Agache.

 On voit les matières premières derrière les vitres.

Document SPMC numéro 896

 

 

Les grèves de 1936 à Pérenchies. Les ouvriers patientent dans l’usine Agache.

Document SPMC numéro 898

 

Les grèves de 1936 à Pérenchies. Les ouvriers patientent dans l’usine Agache.

On joue de l’accordéon. On chante, on danse. 

Document SPMC numéro 795

 

1936. Contremaître chez Agache. R.P. (juin 1998)

« J’ai commencé à travailler en 1936, à l’âge de 12 ans et demi. J’étais encore en culottes courtes. Après quatre jours, il y a eu la deuxième grève de  quinze jours. La loi sur le travail à quatorze ans n’est passée qu’un mois plus tard...

A l’atelier mécanique, seuls les enfants des contremaîtres ou des mécaniciens pouvaient travailler. J’ai suivi des cours du soir pendant trois ans à Armentières à partir de 1937. (la formation continue arrivera beaucoup plus tard avec Bruno Del Pierro).

J’ai obtenu mon C.A.P. de mécanicien après la guerre. Par la suite, je suis devenu contremaître avec jusqu'à 130 personnes sous ma responsabilité.

Mon travail consistait à peigner le lin afin d’en faire un ruban.

 

Pour ceux qui travaillaient le chanvre, c’était comme le bagne. Le travail était pénible avec beaucoup de poussières. Par la suite, les machines pour le chanvre ont quitté l’usine à notre grand soulagement.

Les lots de lin allaient de 800kg à 4 000kg. Les lins étaient triés selon leurs qualités. Ils donnaient des fils différents.

En 1952, on a instauré pour le tissage le travail en équipes. Un ingénieur de Pérenchies, Monsieur Cappoen, a créé une machine à mouvement continu qui remplaçait l’alternatif. C’était moins bruyant et plus rapide. On a ainsi doublé la production.

On travaillait beaucoup pour l’armée. On faisait la toile pour les treillis.

La filature et le tissage étaient deux unités très distinctes. Quelqu’un de la filature ne pouvait pas aller travailler au tissage ou inversement. Il n’y avait pas non plus la même direction.

Le travail de nuit n’a pas duré trop longtemps. Il y avait trop de problèmes et le matériel trop souvent en panne. Il n’y avait pas assez d’ouvriers sur Pérenchies. Des personnes venaient donc de la région des mines. C’était de grands supporters du R.C. Lens. Leur vestiaire avait d’ailleurs été peint aux couleurs de cette équipe de football. Les machines étaient réparées par nos propres mécaniciens. En 1956, mes instructions venaient du bureau de Lille. Monsieur Genet venait chaque semaine en inspection.

Par la suite, avec la gestion Willot, cela a changé. Cela devint un peu une gestion au jour le jour.

Je pris ma préretraite en 1981 ».

  

Les grèves de 1936 à Pérenchies. Less ouvriers patientent dans l’usine Agache.

 Document SPMC numéro 893

 

Les grèves de 1936 à Pérenchies. Lieu non déterminé. Manifestation de femmes.

Document SPMC numéro 807


1936. Le bonheur était dans le pré. Pierre BONTE. 2014

«Je suis né à Pérenchies le 15 septembre 1932 et j’ai été déclaré le même jour à la mairie de Pérenchies. C’est une commune de l’ère industrielle dont la vie a été longtemps rythmée par la sirène hurlante de l’usine textile qui, quatre fois par jour, annonçait l’embauche des ouvriers et la sortie des ateliers. Les filatures et tissages de lin Agache employaient la majorité des habitants. Les enfants y entraient dès l’âge de treize ans et leur vie se poursuivait toute entière à l’ombre de l’usine dont les trois immenses cheminées de briques trouaient le ciel. Comment lui échapper, d‘ailleurs ? Tout appartenait à la famille Agache, à Pérenchies : les maisons, les jardins-ouvriers, …

Mon père était arrivé dans la commune cinq ans plus tôt, après avoir été obligé, pour raison de santé, d’abandonner le métier de boulanger, qu’il exerçait à Mouvaux…

Il avait accepté, faute de mieux, un emploi « d’homme de peine » chez Agache. Il allait ensuite devenir « employé aux écritures », chargé de comptabiliser les entrées de matières premières et les sorties de produits finis. Je me souviens d’une photo où on le voit dans la cour de l’usine, jouant aux cartes avec ses collègues, pendant les fameuses grèves de 1936, qui durèrent trois semaines et qui permirent au personnel d’obtenir – outre les congés payés et la semaine de quarante heures – la suppression des amendes et le relèvement de l’âge du travail à quatorze ans. J’ai toujours pensé qu’on avait dû forcer mon père à débrayer car ce n’était pas dans sa nature. Il avait un respect religieux pour le travail et la hiérarchie. Quand il a obtenu sa médaille du travail, au bout de plusieurs années d’assiduité, il l’a fêtée comme une Légion d’honneur ». 

 

Livre de Pierre BONTE, né à Pérenchies en 1932.

« Le bonheur était dans le pré ». Albin Michel. 2014.

 

La maison de la famille de Pierre BONTE un peu avant 1932 à Pérenchies.

Rue de la Prévôté ou rue Carnot ?

Ses parents et ses 5 sœurs. Les 2 autres personnes ne sont pas connues.

Document SPMC numéro 3 103.


1952 à 1985. Plus d’un siècle tombé en ruines (Article paru le 3 septembre 1993. Nord-Eclair)

« Michel Vanhaverbecke est l’un de ceux, nombreux, qui ont travaillé toute leur vie pour Agache. D’abord à Pérenchies, puis quand la mauvaise odeur de fermeture s’est faite persistante, à Neuville-en-Ferrain. Il y est rentré à 14 ans. Il en est ressorti les cheveux gris, à 55 ans, à l’âge de la retraite. Le textile, c’était de famille. Le grand-père dans le tissage à Lille. Le père à Pérenchies, chez Agache. Lui aussi. Et tout cela, des souvenirs, une carrière passée là, entre des murs aujourd’hui démolis, tout cela parti en fumée. Michel raconte son métier et son usine.

 « On avait 14 ans, le certificat d’études et un vélo, et hop, au boulot. A l’époque, 1 400 personnes travaillaient à Agache ». C’était pendant l’été 1952, juste après la fin de l’école, en plein mois de juillet. Il a commencé au peignage, là où on nettoie les fibres de lin, on démêle cette filasse avec des machines qui sont restées inchangées depuis le début du siècle. Michel Vanhaverbecke a également travaillé à la salle des chanvres. Un mauvais souvenir. « C’était très difficile. La poussière de chanvres donne de la fièvre. Alors on avait le droit à la prime de lait, qui variait selon le cours du lait. Le week-end, ça allait mieux. Puis le lundi, ça recommençait, la fièvre... Le temps de se réhabituer et c’était le vendredi. »

Michel a 20 ans et part à l’armée, en Algérie. A son retour, il grimpe dans la hiérarchie et devient agent de maîtrise. Les six premiers mois, il est affecté à la filature mouillée. Parce qu’il y a deux modes pour travailler le lin, à sec et mouillé. A sec, le tissu est plus rêche, et utilisé pour l’ameublement, les sacs postaux... Mouillé, plus fin, il sert à l’habillement, ou au linge de maison. Très vite, il passera à la filature au sec. Le lin arrive en ruban continu. Il faut l’étirer et lui donner une torsion afin qu’il devienne un fil, sur un métier à filer à anneaux. Révolution dans les années 60, la vitesse. Les anneaux filent jusque 7 000 tours : le rendement augmente. 1960 : Un cortège de grèves passe par Pérenchies. « L’usine était occupée. Il y avait des tables de ping-pong dans les salles de jutes. Sinon, c’étaient des usines qui tournaient bien. Pas de grandes grèves. »

En 1972, encore 1 000 personnes travaillaient à Agache, à Pérenchies.

«De 1960 à 1965, pas mal de filatures avaient fermé vers Armentières pour une réorganisation des usines. Pas mal d’ouvriers ont été rapatriés sur Agache».

Une usine aux reins solides, donc.

On débauche

Le début de la fin : 1981 et son dépôt et bilan. Agache devient alors une entreprise privée avec des fonds publics, et sous contrôle du ministère de l’industrie.

En 1982, 1983, quatre nouvelles machines sont achetées, des métiers à 220 broches à montage automatique. Quand une broche est pleine, elle est remplacée par une autre, sans l’intervention de l’habituelle équipe de démontage. Un investissement bien inutile, puisqu’en 1985, le filage à sec ferme.

Et Michel part finir sa carrière à Neuville-en Ferrain.

« J’ai beaucoup d’amertume. Beaucoup de personnes étaient persuadées que le sec pouvait vivre. »

Michel n’a pourtant pas quitté Pérenchies, où il passe aujourd’hui sa retraite. Sa maison est une maison Agache. « Ils ont liquidé le patrimoine immobilier. Les habitations étaient évaluées par les Domaines. J’ai donc acheté la mienne. »

Moins rentable, la filature du lin à sec a été condamnée. Et Agache à Pérenchies fait désormais partie de l’histoire ».

 

Grève en 1968.

Document SPMC numéro 4 972

 

Article de presse « La Voix du Nord » du 11 février 1984.

« A Pérenchies, un vent de grève souffle sur les Ets Agache ».

Document SPMC numéro 1 445

 

Philippe JOURDAN

13 mai 2020

 

Correction et administration du Blog : Jean-Pierre COMPERE