Régulièrement, notre association d'histoire locale « Si
Pérenchies m'était contée... » essaie, dans la limite de ses possibilités financières,
d'acquérir des documents sur le passé de notre ville lorsque l'achat est
raisonnable.
Un nouveau document a ainsi rejoint notre fond documentaire.
Le voici :
Une nouvelle carte postale de la première guerre mondiale acquise par notre association |
Il
s'agit du parc du château Jeanson qui se trouvait avant la guerre 1914/1918 sur
le début de la rue de la Prévôté du côté des chiffres impairs.
Les
Pérenchinois le nommaient château des tourelles à cause des deux grandes tours
qui encadraient la façade de devant.
Le château Jeanson avant 1914. Carte postale SPMC numéro 1 041. |
Sur
un des côtés du parc se trouvaient le presbytère, peut-être une salle de
réunion de jeunes filles et l'église
Saint Léger.
Sur
la carte, on voit des soldats allemands qui sont sans doute des officiers car
on devine un sabre porté par l'un d'entre eux. Près de l'un se trouve un chien,
peut-être un berger.
Ils
se promènent derrière le château dont on découvre, au loin, une des tourelles
qui donnaient du côté de la rue de la Prévôté.
Les
belles demeures étaient attribuées aux officiers. Les soldats, eux, étaient
logés dans les maisons ouvrières.
Le
château Agache, quant à lui, servit de mess pour les officiers allemands.
Robert
Becquart raconte, qu'un jour, il entendit dans le château Jeanson un orchestre
qui jouait de la musique pour des officiers. C'était juste avant que des obus
anglais ne s'abattent sur la ville.
Une
partie de l'étang qui décorait le parc est visible. Il occupait l'emplacement du
début de la future avenue Kemmel qui sera construite dans les années 20/30, de
l'actuelle maison paroissiale et de cette rangée de maisons très originale.
Le
château appartenait à la famille Jeanson, des industriels textiles dont l'usine
se trouvait à Armentières.
L' actuelle
rue du Nord ne portait pas ce nom. C'était tout simplement un chemin qui
donnait accès à une entrée secondaire du parc pour y ranger les véhicules du
château. Il est possible que des remises s'y trouvaient...
Le parc du château Jeanson avant 1914. Carte postale SPMC numéro 1 005. |
Installation du curé Vancostenoble le 25 avril 1903.
A gauche, le presbytère, la salle pour les réunions
paroissiales de jeunes filles
et le parc du château Jeanson.
Carte postale SPMC numéro 1 004
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Georges
Vanhée, né en 1899, a décrit notre ville avant 1914. Il évoque le château
Jeanson :
«à la place de la mairie actuelle se trouvait un
café. A droite de la rue de la Prévôté, il y avait une boulangerie et une
maison de religieuses qui s'occupaient de l'église et des indigents....
A
gauche de la rue, à partir de la place, là où se trouve l'actuel monument aux
morts il y avait le presbytère, une salle occupée par les sœurs puis le château
de la famille Jeanson. Il n'y avait pas d'avenue Kemmel. Le parc du château
s'étendait jusqu'à la voie du chemin de fer et descendait jusqu'à la rue du
moulin. La rue du Nord était une impasse avec entrée vers le parc puis pas de
changement jusqu'à la rue du moulin, aujourd'hui la rue Jules Drumez ».
Le château Jeanson appelé le château des tourelles
avant 1914.
Carte postale SPMC numéro 1 023.
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Antonin Février, le jardinier du château Jeanson et
son épouse Eugénie Michiot, gouvernante.
Avant 1914.
Document SPMC numéro 3 167.
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Durant
la guerre, les Pérenchinois devenus soldats écrivaient à leurs familles mais
aussi à Mme Agache ou à Mme Jeanson. Celle-ci leur répondait par une carte
portant sur un côté une prière et une petite médaille. De l'autre côté, le
texte qu'elle adressait témoigne encore de l'esprit de l'époque :
« Merci
mon cher ami de votre aimable et intéressante lettre.
Nous
envoyons notre souvenir bien affectueux et espérons bien que votre santé va
continuer à se maintenir.
Bon
courage et bonne confiance en attendant des jours meilleurs.
Mme
Jeanson ».
Soeur
Marie Elisée de la congrégation d'Angers raconta en 1919 ses souvenirs de
l'occupation. Elle y évoque, elle aussi, le château Jeanson :
« quant
à sœur Séraphine, sœur André et moi-même, nous étions dans notre maison
d'oeuvres de la rue de la Prévôté, continuant à nous occuper de l'église et des
ouvriers autant que nous le pouvions. Le 13 novembre 1914, un vendredi, le
temps était sombre ce jour-là. Nous avions été sœur Séraphine et moi éteindre
les veilleuses à l'église puisque les Allemands regardaient, comme des signaux,
toute lumière paraissant tant soit peu au dehors.
A
notre retour à la maison, deux de nos jeunes filles, attachées au service de
Mme Jeanson, causaient avec sœur André. Elles avaient besoin d'être
réconfortées, étant seules avec les Allemands qui remplissaient le château.
Après
leur départ, nous nous mîmes à fermer hermétiquement portes et fenêtres. Nous
commençâmes la méditation du soir. J'étais encore à genoux lorsque, tout à coup, un obus vint éclater là
où nous étions... ».
Ruines de la guerre 1914/1918. La rue de la Prévôté
et, à gauche, le château détruit et le parc saccagé.
Carte postale SPMC numéro 1 144.
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Le château Jeanson en ruines après la guerre 1914/1918.
Carte postale SPMC numéro 1 145.
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Jeanne
Vrolant, dont on a retrouvé une partie de son journal intime, évoque également
le château Jeanson :
«
Dimanche 13 décembre 1914.
Nous
partons aux vêpres. Un obus tombe dans le jardin Jeanson, brisant une grande
partie des vitraux de l'église d'où une panique épouvantable ».
La guerre 14/18. La rue de la Prévôté et à gauche le
parc Jeanson.
Carte postale SPMC numéro 1 157.
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Cette
belle demeure sera entièrement détruite et ne sera pas reconstruite au
lendemain de la guerre 14/18.
Dès
le retour des premiers habitants, des baraquements y seront installés en
attendant la reconstruction de la ville.
Par
la suite, le terrain deviendra un parc qui aujourd'hui porte le nom d'un autre
industriel : Donat Agache.
La rue de la Prévôté au début des années 30. A droite,
un parc public remplace le parc Jeanson.
Carte postale SPMC numéro 1 217.
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Le jardin public a remplacé le parc Jeanson.
On voit, derrière, l'avenue du Kemmel qui vient d'être construite.
Carte postale SPMC numéro 1 218.
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La
famille Jeanson fut très impliquée dans la vie de Pérenchies et dans les œuvres
paroissiales. En 1904, Charles Jeanson était le maire de la ville.
Charles Jeanson. Photographie non datée.
Document SPMC numéro 3 142.
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Signature de Charles Jeanson.
Registre des naissances clos en 1910.
(Sources : Archives municipales de Pérenchies)
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Charles Jeanson qui possédait une usine textile à Armentières habitait Pérenchies. Il fut le maire de notre commune de 1904 à 1912.
Les
maires de Pérenchies :
Jusqu'en
1904 : Louis Décottignies.
De
1904 à 1912 : Charles Jeanson.
A
partir de mai 1912 : Henri Bouchery.
Essai
d'arbre généalogique de Charles Jeanson :
Grands-parents
de Charles JEANSON fils
Louis
JEANSON (1809 – 1894) épouse la fille d'un entrepreneur armentièrois.
Parents
de Charles JEANSON fils
Charles
JEANSON (1843 - 1908) épouse Sophie FLAYELLE (1842 – 1925).
Frères
et sœurs de Charles JEANSON fils
–
Louis Jeanson né en 1871. (Il épousera une fille
Fauchille).
–
Elvire Marie Louise Joseph née en 1873.
– Charles
Edmé Marie Joseph JEANSON fils (1874 – 1930).
–
Louise
Marie Camille née en 1875.
–
Edouard Jeanson Auguste Joseph né en 1877.
Femme
de Charles JEANSON fils
Marthe
Marie Camille DEHAU (1876 – 1921).
Mariage
à Bouvines le 19 avril 1897.
Enfants
de Charles JEANSON fils et de Marthe DEHAU
–
Charles Jeanson (1898 – 1942).
–
Paul Jeanson (1899 – 1931).
–
Pierre Jeanson (1899 – 1980).
–
Félix Jeanson (né à Pérenchies en 1909. Décédé
en 1990).
Acte
de naissance de Félix Jeanson :
Né à
Pérenchies le 3 mars 1909 à 7H du soir.
Père :
Charles Edmé Marie Joseph Jeanson. 34 ans. Manufacturier. Habite 3 rue de la
Prévôté à Pérenchies.
Mère :
Marthe Marie Camille Dehau. 32 ans. Née et mariée à Bouvines.
Acte
rédigé le 4 mars 1909 en mairie par le père devant Jules Drumez, adjoint au
Maire.
Félix
se mariera à Paris le 19 décembre 1932 avec Monique Françoise Louise Jeanson.
Acte de naissance de Félix Jeanson signé par Jules Drumez, adjoint
au maire de Pérenchies en mars 1909.
(Sources : Archives municipales de Pérenchies)
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Histoire
et origines de la famille JEANSON :
Les
Jeanson qui seraient originaires d'Irlande se seraient fixés en France dans la
région de Chartres.
On
trouve par la suite un Nicolas Jeanson, notable à Troyes, conseiller de la
ville et échevin. Il y meurt le 16 janvier 1692. La famille exerce alors la
profession de marchand-drapier.
Au
milieu du 18ème siècle, suite à un mariage, le père d'Edmé Jeanson se fixe à
Ay, petit ville de Champagne.
Edmé,
face à la situation médiocre, entre dans l'administration napoléonienne et se
trouve affecté à Livourne puis à Cassel dans le nord de la France. Il épouse
Marie Thérèse Françoise MICKIELS, née à Anvers en 1786.
Leur
fils, Louis JEANSON (1809 – 1894) épouse la fille d'un entrepreneur de roulage
d'Armentières. Il fait un doctorat en pharmacie et s'installe à Armentières.
De
cette union naîtra Charles Jeanson père (1843 – 1908) qui épouse Sophie
Flayelle (1842 – 1925). Celui-ci est le fondateur de l’usine Jeanson
d'Armentières.
En
1875, la société Desplanques-Jeanson a acquis un tissage mécanique de toiles
appartenant à M. et Mme Theeten qui l’avaient monté et agencé en 1854.
Cette
usine, d’une superficie d’un peu plus de 1 ha, se situe entre les usines
Breuvart et Mahieu.
Les
plans du cadastre de 1888 montrent un bâtiment de tissage, un autre pour le
générateur et la machine à vapeur, un pour des écuries, et enfin un bâtiment de
bureaux. Le plan monumental du début du XXe
siècle montre une usine à l’architecture mêlant les ateliers de
production avec un étage, composés de toits en shed et des bureaux composés de
pierre de taille et de briques avec des fenêtres en chiens-assis au niveau des
combles.
Vers
1910, ayant pris la succession de leur père, les fils Jeanson (dont Louis et
Charles fils) décident de construire un grand bâtiment pour la filature de lin.
En
1914, l’usine dispose de 500 métiers mécaniques et de 4 000 broches.
La
guerre 1914/1918 va stopper le développement de l'entreprise. Si la ville n’est
pas directement attaquée, elle est sous le feu des bombardements durant près de
trois ans. La ligne de front est en effet à 6 kilomètres, au nord et à l’est de
la ville, près de Frelinghien.
Petit
à petit, au rythme quotidien des bombardements, les maisons et les usines sont
détruites.
Les
usines encore debout continuent de produire avec plus ou moins de régularité un
peu partout dans la ville comme les tissages et filatures Jeanson (rue d’Ypres
et Point-de-Nieppe).
En
1915, les Jeanson déménagent définitivement. À la suite des premiers
bombardements, 200 métiers et 2 500 broches de filature sont transportés à
Serquigny (Eure) et à Condé-sur-Noireau (Calvados).
Ces
deux usines fabriquent alors des toiles pour avion, des bâches pour hangar, des
tuyaux pour les pompiers de Paris et les toiles nécessaires au génie et à
l’artillerie. Elles emploient alors 1 800 ouvriers venus pour la plupart
d’Armentières.
Entre
réquisition et bombardements, la production d’Armentières est à l’agonie en
1917 et les usines de la ville désertées.
Partiellement
détruit, le bâtiment est utilisé comme atelier de bobinage et de finition de
toiles.
À
proximité du front, l’usine est endommagée puis remise en état très rapidement.
Elle est la première à remettre ses machines en route.
Suite
au décès de Louis Jeanson Fauchille, son frère Charles Jeanson Dehau dirige la
société jusqu’en 1930.
Le
groupe est alors scindé en deux : Louis Jeanson, fils de Louis Jeanson
Fauchille, garde l’usine d’Armentières et les descendants de Charles Jeanson
Dehau gèrent les usines de Normandie.
En
1973, l’entreprise "Coisne et Lambert" prend la tête de l’usine
d’Armentières jusqu’à la cessation d’activités et la démolition des bâtiments
en 1985.
Philippe
JOURDAN
Président
de « Si Pérenchies m'était contée... »
Mise
en page : Jean-Pierre COMPERE.
6 mai
2018.