Souvenirs de Marie-Thérèse
Peulmeulle
Je
suis née à Pérenchies le 24 septembre 1945, rue de Lomme.
Mes
deux parents étaient natifs de cette ville. Ma mère s'appelait Jeanne Carlier.
Elle habitait rue de Lomme face à la maison de celui qui deviendra son époux,
mon père René Peulmeulle.
Travaillant
à l'usine, celui-ci était aussi pompier volontaire. Un jour, des bottes de lin
ont pris feu et la sirène a retenti dans toute la ville.
Les
pompiers étaient rattachés à l'usine Agache qui fournissait leur équipement et
se chargeait de les former.
Tous
les ans, la société fêtait sa patronne « Sainte Barbe » au café du
« Moulin Rouge », rue de la Prévôté dans la grande salle du premier
étage où se déroulaient aussi les repas de mariage.
Carte postale SPMC numéro 1200. Le moulin rouge vient
d'être reconstruit dans les années 20.
On devine la salle de réception à l'étage
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Enfant,
je jouais dehors dans la rue au « yo-yo » dans le quartier appelé
aussi « Le Grand But ». Ce jeu se nomme en fait le diabolo.
Un diabolo. Document internet. |
Parfois,
nos parents nous donnaient quelques sous pour acheter des bonbons, « des
souris », chez Mathilde. A côté de son magasin, il y avait un café et une
autre boutique.
Carte postale SPMC numéro 1132. Le quartier du Grand But dans les années 20 |
J'ai
fait ma scolarité à l'école privée Sainte Marie.
Je me
souviens des séances de vaccinations qu'on appelait « cuti ». On
était en petite culotte et on entrait chacune son tour voir le médecin. Il
fallait monter d'abord un escalier puis on arrivait à la salle de déshabillage.
A côté, se trouvait le bureau médical.
Ces
salles existent toujours à gauche de l'entrée de la mairie. On n'aimait
pas !
J'allais
à la messe tous les dimanches et j'y rencontrais Sabine (Sabine Dupont) et son
frère Michel Debruyne que l'on surnommait « Mimi ».
On
ressentait une grande différence entre l'école privée et l'école laïque. Il y
avait des regards et des réflexions surtout lors des examens que l'on passait
ensemble.
A
l'époque, il n'y avait pas de crèche pendant que nos parents travaillaient.
C'est donc grand-mère qui s'occupait de nous, préparait les repas et nous
conduisait à l'école.
C'est
là qu'on nous distribuait tous les jours un verre de lait. Comme j'étais
allergique à cette boisson, j'avais le droit d'aller à la maison des sœurs à
l'entrée de l'école, rue Gambetta, dans la cuisine et d'y recevoir un bon bol
de soupe toute chaude.
C'est
ainsi que j'ai connu Soeur Elisabeth, Soeur Saint Lou, Soeur Saint Jean et des
institutrices civiles : Madame Six et Madame Monique Degraeve qui épousera
Roger Dutriez, le futur maire de notre ville.
Parfois,
on participait à des processions et, pour cela, on se costumait en anges ou en
personnages bibliques.
En attendant le
départ de la procession dans la cour de l'école Sainte Marie, rue Gambetta.
Josiane et Marie
Thérèse Peulmeulle, Marguerite et Rita Trannois.
Vers 1952/1953.
Document SPMC.
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Comme
j'habitais la rue de Lomme, j'allais souvent à l'hospice Agache qui deviendra
par la suite la maison de retraite des Sapins Bleus. Cette maison était aussi
tenue par les religieuses de la congrégation de Sainte Marie d'Angers. Je me
souviens de leurs cornettes, des dortoirs et des murs verts.
Carte postale SPMC numéro 1241. La fondation Edouard Agache |
Le 18
mai 1957, j'ai fait ma communion solennelle.
Marie-Thérèse
Peulmeulle en communiante le 18 mai 1957
dans le jardin de
la maison de la rue de Lomme. Document SPMC
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Adolescentes,
ma sœur et moi allions parfois avec papa travailler chez un maraîcher dans
notre quartier en face de la ferme Béharel. Il se nommait Maurice Barbez. On
plantait des poireaux et on ramassait des pommes de terre, des radis et des
navets.
A la
maison, maman et notre grand-mère nous
apprenaient à coudre et à tricoter.
Dans
Pérenchies, il y avait un cinéma mais nous n'avions pas le droit d'y aller.
Un
jour, monsieur Delobeau, un contremaître de chez Agache est venu me chercher
pour travailler à l'usine. Mon père lui avait bien dit que je n'avais pas
encore l'âge. En effet, le lendemain, je devais fêter mes 14 ans. Néanmoins, le
23 septembre 1959, je commençais ma vie professionnelle à la confection. Comme
mes parents venaient d'acheter leur maison, 5 rue de la Pannerie, ils avaient
besoin d'argent. Alors, il n'y avait rien à dire. Pour mes 14 ans, j'entrais
chez Agache.
Carte postale SPMC numéro 1253. Vue aérienne des Ets
Agache. Années 60
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Mes
parents, eux aussi, avaient travaillé chez Agache. Mon père était tisserand et
ma mère travaillait au bobinoir. Mes grands-parents aussi étaient de la maison
comme mon parrain Raymond Trannois.
En
arrivant chez Agache, les jeunes filles effectuaient une semaine de travail
puis une semaine de cours et ainsi de suite.
On
apprenait le métier de la confection mais aussi un peu de couture, un peu de
cuisine, à faire le ménage et du tricot. On recevait ainsi « l'éducation
d'une bonne épouse ! ».
Document SPMC numéro 964. La filature Agache recherche des jeunes gens. Non daté. |
A 14
ans, j'ai enfin eu l'autorisation d'aller au cinéma. C'était la fête de Saint
Nicolas et un goûter suivait le film.
C'est
là que j'ai rencontré celui qui deviendra plus tard mon mari : Claude
Delayen. Il habitait à Prémesques, à la Montagne et était né en 1944. Il
travaillait aussi chez Agache.
Pour
me rendre à la confection, je me souviens encore du chemin que je prenais. Rue
Edouard Agache, on entrait par une grand grille. On partait alors vers la
droite vers les chaufferies qu'on longeait. Puis, on tournait à gauche et à
droite. Il y avait alors une petite porte et un escalier. C'est à l'étage qu'on
travaillait.
J'ai
commencé avec les draps. Ils arrivaient tout chiffonnés et on devait les
pré-plier et les classer selon la taille et les couleurs. Après le pliage, on
les descendait afin de les emballer. C'était du coton, en métis blanc ou écru.
Par la suite, la couleur fera son apparition.
Document SPMC numéro 1404. Catalogue Agache Agalys en allemand en 1978 |
Je
suis restée un an au pliage puis ils ont voulu me mettre sur une machine mais
je n'étais pas assez rapide. Alors, on m'a mise sur la confection des bourdons
sur une autre machine. Il s'agissait de petites décorations à faire sur le haut
du drap. C'était très lent et je n'avais pas assez de patience.
A 15
ans, je suis donc descendue pour emballer les draps. J'ai aussi repassé.
J'utilisais alors un gros fer à vapeur. Celle-ci venait d'un grand ballon. Pour
l'époque, il s'agissait d'une machine moderne. On avait aussi une presse à
repasser. Quand les draps avaient été pliés, on les plaçait sous la presse. La
force et la vapeur leur donnaient un meilleur aspect, mieux pliés et mieux repassés.
Quand
cela était fait, on les mettait dans des casiers en les triant par taille et
par couleur. Puis, selon les commandes, on les regroupait , on les emballait et
on confectionnait des palettes. Celles-ci étaient chargées sur des camions.
Parfois, j'aidais à l'expédition et m'occupais du chargement.
Document SPMC numéro 965. Publicité pour les draps Agalys. |
En
1965, je mes suis mariée avec mon gars de la Montagne de Prémesques. On y a
habité plus d'un an. Puis, on a fait construire à Pérenchies, rue Leplay.
Document SPMC numéro 3195. La rue Leplay le 2 octobre 1957 |
En
1969, j'ai arrêté de travailler pour élever mes trois enfants : Corinne,
Christine et Jean Claude.
Document SPMC non répertorié. La naissance de Corinne en 1969. |
Document SPMC non répertorié. Christine, Corinne et
Jean Claude,
les enfants de Marie-Thérèse Peulmeulle en 1972 lors
d'une braderie.
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Dix
ans plus tard, en 1979, j'ai repris à la confection où il y avait beaucoup plus
d'ouvrières qu'avant. C'était assez dur. Il ne fallait pas se reposer. Mais je
n'ai jamais eu de problème. Je faisais aussi les parures de lit. On était payé
à la pièce et on travaillait vite au rythme du tapis roulant qui passait devant
nous. On disposait un drap dans une boite avec un couvercle transparent.
Lorsque la taie, pliée en coin pour
faire plus joli, était à son tour disposée, on refermait la boite et on finissait par un nœud et une étiquette.
On
les rangeait ensuite par quatre dans des boites en carton.
La confection
Agache. Non datée. Années 70 ?
Marie-Thérèse
Peulmeulle est la 5ème à partir de la gauche.
Document SPMC.
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Au
début, on ne travaillait que 24H/semaine. Ce n'était pas beaucoup. Puis le
travail a un peu repris.
On
recevait notre paie en espèces deux fois par mois dans une enveloppe. Le premier
versement, environ 75F, nous était remis le 15 du mois. Le reste était versé à
la fin du mois.
Ce
jour là, les femmes des ouvriers venaient à la sortie de l'usine afin d'éviter
que le fruit du travail disparaisse dans les bistrots des environs, nombreux à
cette époque. Quelle ambiance à la sortie de l'usine !
Lorsque l'activité a fonctionné un peu mieux, le personnel s'est trouvé
insuffisant pour faire
face à la demande. Alors, on a fait appel aux gars des mines et chaque jour,
des bus, 4 ou 5, les amenaient pour travailler à Pérenchies. C'était surtout
pour la filature au mouillé où le travail était assez difficile.
Document SPMC numéro 3018. La confection Agache avant 1965 avec Yvette Slembrouck |
Le
midi ou le soir, tout le monde allait chercher son pain à la boulangerie juste
en face de la sortie de l'usine. A la confection, on avait pris l'habitude d'y aller commander le jeudi, chacune notre
tour, un gâteau que l'on mangeait le vendredi. On le plaçait dans un casier et
lors de la pause, chacune d'entre nous allait y chercher sa part pour la
déguster avec son café. On n'en profitait pas pour ne pas travailler. C'était
la pause. Il faut bien dire que le travail n'était pas trop strict.
Carte postale SPMC numéro 1244. Sortie de l'usine Agache |
Comme
à l'époque de mes débuts, l'entreprise fêtait la Saint Nicolas et Noël. Il y
avait un goûter et une distribution de coquilles.
Pour
Noël, on allait quelques temps avant, avec nos parents à la salle des fêtes. Un
exemplaire de chaque jouet y était présenté et on pouvait passer commande du
cadeau que l'usine offrait aux enfants de ses ouvriers.
Cadeau offert par les Ets Agache à l'occasion des fêtes
de fin d'année.
Document internet et Facebook.
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Malheureusement,
la crise est arrivée et les licenciements sont apparus. Suite à une
intervention chirurgicale, j'ai dû arrêter le travail. A mon retour, ils ne
m'ont pas reprise et j'ai été licenciée.
Carte postale SPMC numéro 1399. La sortie de l'usine. Années 60/70/80 |
Durant
un certain temps, mon mari et moi-même avons tenu un garage à Lomme à la
Mitterie. L'enseigne était une vraie voiture qu'on avait installée sur un
pilastre en béton. Nous avions 12 ouvriers qui y travaillaient.
Puis,
la vie a fait que nous nous sommes séparés.
Pour
vivre, j'ai décidé de devenir « nounou » à domicile. J'ai ainsi gardé
quatre enfants.
En
1981, j'ai appris par l'A. N. P. E. que la mairie de Pérenchies recherchait une
personne pour faire le ménage dans les écoles. Le poste était libre et je
pouvais commencer dès le lendemain. J'ai téléphoné à mes parents pour leur
demander leur avis. Mon père m'a dit que si je pouvais le faire, je ne devais
pas hésiter.
J'ai
alors appelé des amies et j'ai trouvé d'autres personnes remplaçantes pour la
garde des enfants.
Pour
commencer, ce n'était que quelques heures. Heureusement, je touchais encore le
chômage !
Un
jour, j'ai fait un remplacement à la cantine. Là, j'ai appris qu'une dame
voulait changer d'école et qu'une place pouvait se libérer. Le secrétaire de
mairie, Bernard Provo, est venu à la cantine pour en parler.
Comme
j'habitais Pérenchies et que j'élevais seule trois enfants suite à mon divorce,
je suis devenue prioritaire et j'ai obtenu le poste.
J'ai
travaillé dans les écoles comme femme de ménage durant 13 ans puis 8 ans à la
cantine.
Document SPMC numéro 4141. Des enfants dans la cour de l'école Jean Macé de Pérenchies |
Ce
n'était pas toujours facile. Au début, on avait un seau de savon noir, un bidon
d'ammoniaque et un bidon de poudre à récurer et il fallait chauffer l'eau sur
un trépied. Plus tard, on a eu un cumulus. Je n'ai pas connu les 35H. Je
travaillais 38H. Le week-end, il y avait des banquets. Comme il fallait un
personnel municipal qui connaissait les installations, j'étais souvent
volontaire et cela me faisait des gains supplémentaires dont pouvaient profiter
mes enfants.
Chez
Agache, je travaillais de 7H à 12H et de 13H30 à 17H. Ensuite, j'ai travaillé par équipe. Parfois
je commençais à 5H et d'autre fois à 13H.
A
l'école Jean Macé, c'était différent. Je travaillais de 6H à 10H puis de 15H à
19H.
Par
la suite, à la cantine, ce fut de 9H à 17H30.
Document SPMC numéro 5963. L'école publique Jean Macé de Pérenchies en 1994 |
De
cette époque, plusieurs souvenirs me restent sur le Pérenchies d'hier. C'était
un temps où il y avait beaucoup de magasins et de bistrots sur notre ville.
Dans
le quartier de la Petite Belgique, il y avait un boucher au coin, chez
Delplanque. Je ne suis plus trop certaine de l'orthographe des noms.
En
face, c'était un boulanger (Dolphin) qui fut remplacé ensuite par Fayolle.
Dans
le quartier, on parlait beaucoup flamand. A force de l'entendre, je comprenais
tout sans pouvoir le parler.
Il y
avait aussi un cordonnier, un bistrot et une épicerie, chez Blanche.
Carte postale SPMC numéro 1260. Le quartier de la Petite Belgique le 2 octobre 1957. |
Avenue
du Kemmel, il y avait une boutique où on vendait de la laine
« Pingouin », chez Delforge.
En
face de la poste actuelle, pas loin, on trouvait même un marchand de vins et de
liqueurs.
Dans
le quartier de la Petite Belgique, il y avait souvent des fêtes avec des vélos
fleuris, des courses en sacs, …
La
société Saint Léger est arrivée bien plus tard dans l'avenue Kemmel et le
quartier. Ils ont commencé avec de la limonade et du soda. L'exploitation de la
source est venue plus tard. A cette époque, c'était des champs et un blockhaus.
L'eau
y était importante. Il y avait beaucoup de puits et des pompes dans les
jardins.
Document SPMC numéro 4287. Une étiquette de la société
Vanderstraeten de Pérenchies.
Une étiquette de la limonade LUANA. Non datée.
Dernières décennies du Xxème siècle
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Demeyère
a commencé en vendant des machines à coudre rue Jules Drumez. Après la
séparation des deux frères, l'un d'eux, Pierre, s'est lancé dans la fabrication
des meubles et l'autre a continué avec les machines à coudre.
Dans
la rue Jules Drumez, il y avait aussi la menuiserie de Paul Desquirez.
Je
me souviens également, rue du Général Leclerc, en face de l'ancienne poste, de
l'entreprise de maçonnerie Debruyne-Vervisch.
Il y
avait aussi Despatures. Pas loin du cimetière, il y avait un grand four où on
cuisait des tuiles et des briques. De grands trous étaient pratiqués dans le
sol à la recherche de l'argile. On les comblait avec des ordures ménagères
apportées par des camions. Parfois, les trous fumaient car on y mettait le feu
pour détruire les détritus.
Carte postale SPMC numéro 1207. Les Ets
Despature-Cousin fils
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Ce sont mes souvenirs qui me restent encore en mémoire alors que je suis devenue
retraitée et que j'habite toujours cette commune que j'aime tant.
Retraitée,
j'ai le temps de m'occuper de mes petits enfants mais aussi de profiter des
nombreuses associations et animations de la commune. Depuis plusieurs années,
j'ai rejoint l'association d'histoire locale « Si Pérenchies m'était
contée... » et la confrérie de la Tarte à Prônes.
Document SPMC. L'exposition du 15 août 2017 à la base de loisirs du Fort. Marie-Thérèse en pleine action avec ses collègues |
Souvenirs
recueillis par Anne-Marie Lambin et Marie-Claude Vervisch en 2017.
Première
mise en page : Marie-Claude Vervisch
Remis
en forme et illustré par Philippe Jourdan.
Relecture :
Thérèse-Marie et Jean-Pierre Compère
Document
final mis en page par Jean-Pierre Compère.
26 mars
2018.